Yegg n°90 jui/aoû 2020
Yegg n°90 jui/aoû 2020
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°90 de jui/aoû 2020

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : Yegg Magazine

  • Format : (170 x 240) mm

  • Nombre de pages : 42

  • Taille du fichier PDF : 12,2 Mo

  • Dans ce numéro : décryptage, l'urgence féministe.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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systématiquement une période d’essai. J’ai besoin d’avoir une porte de sortie. J’ai refusé longtemps d’être propriétaire. En fait, je ne veux pas me retrouver dans des situations dans lesquelles je ne peux pas me barrer. Pour autant, je suis fidèle en amitié, fiable au travail. Je n’en fais pas qu’à ma tête, je ne suis pas capricieuse. Je crée un cadre de vie qui fait que je peux me barrer. Plus jamais personne ne me coince dans un lieu. Je ne veux pas dépendre d’un mec, je ne veux pas dépendre d’une rédaction. », déballe Giulia Foïs. La gouaille de ces chroniques, sa verve littéraire, on la retrouve dans ses propos. La société organise notre dépendance. Hommes et femmes. Mais principalement les femmes. Elles élèvent les gosses et rêvent de mariage  : « Ça nous fragilise et ça nous fait croire qu’on n’a pas le choix. Je pense que c’est primordial d’avoir des espaces à soi. Moi, j’ai bossé comme une tordue pendant 10 – 15 ans pour assurer ma sécurité financière. J’organise mon indépendance. Mais les filles, on nous apprend à fermer nos gueules. Ma survie psychique, je la dois à choisir et de ne plus subir. Tant qu’on ne nommera pas les choses, on n’avancera pas. La réalité, c’est celle-là. « Je voulais pas mais bon c’est pas un viol », si, c’est un viol. Le viol, c’est le crime dont tout le monde sait qu’il est répandu à tous les étages de la société mais qu’on ne veut pas voir, y compris les femmes. » Elle nous confie une anecdote survenue lorsque son fils a eu un accident  : « Après ça, on me dit ‘ahlala les gênes du donneur, ils sont bons’(je suis passée par PMA). Et moi ? Et ma contribution ? On est des réceptacles à pénis et à sperme. Et un réceptacle, ça ne consent pas, ça n’a pas de désir. » LE CONSENTEMENT DES FEMMES DOIT DEVENIR UN SUJET POLITIQUE Eduquer au consentement et à l’égalité les garçons et les filles dès la maternelle, il le faut, elle en est convaincue. Il est essentiel de conscientiser la population à tous les étages de la société. « On a une responsabilité, les adultes. Notre responsabilité est gigantesque. Encore faut-il que pour nous cette notion soit claire. Et puis, c’est important d’en parler dans les médias, de vulgariser, de rendre visible cette question. Le Juillet - Août 2020/yeggmag.fr/32 focus problème est ultra vaste et chacun-e a quelque chose à faire à son étage. On commence par où ? Moi, je dis, on fait tout en même temps. Il n’y a pas de priorité. De l’écriture inclusive jusqu’au consentement, c’est au fond le même combat. » Vient évidemment la question de la formation (forces de l’ordre, membres de la justice, professionnel-le-s de la santé, du social, professeur-e-s, journalistes, etc.). Mais pour cela, il faut des moyens et par conséquent une forte volonté politique. Ce qui actuellement n’est toujours pas le cas. C’est encore et toujours aux associations, aux militantes, de faire le travail de fond. « Des annonces sont faites, des éléments sont présentés comme des avancées par le gouvernement mais en vrai, il n’y a pas le budget suffisant pour faire avancer les choses. Pour la grande cause du quinquennat, on est en bien en dessous… Depuis le grenelle en septembre dernier, on attend toujours les avancées. Il n’y en a pas suffisamment du côté de la formation, des places d’hébergement d’urgence, la sensibilisation, etc. », souligne Marie, du collectif Nous Toutes. Dans l’enquête, les militantes n’hésitent pas à interpeller le gouvernement « à nouveau » pour que celui-ci crée et applique un module obligatoire dans la scolarité sur la question de l’égalité et sur la prévention des violences sexistes et sexuelles et de fixer un seuil d’âge de non consentement pour les enfants  : « Nos corps sont politiques. Nos désirs sont politiques. Nos sexualités sont politiques. Le consentement des femmes doit devenir un sujet politique (…) Nous appelons toutes celles qui veulent témoigner à le faire avec le #JaiPasDitOui sur les réseaux sociaux pour rappeler qu’un rapport intime doit être basé sur un accord réciproque, sur le désir, le respect et le plaisir. » Dans la vie de tous les jours également, on peut se saisir de ce sujet comme le rappelle Marie à la fin de notre entretien  : « On peut s’autoriser à en parler. On peut s’autoriser à assumer nos désirs. On peut en parler, expliquer ce qu’est le consentement, ce qu’est un viol, ce qu’est une agression sexuelle, etc. Plus on en parlera,
plus la parole sera écoutée et plus on pourra construire quelque chose de plus égalitaire dans nos sexualités. » Provoquer la discussion, organiser des temps spécifiques autour du sujet du consentement. C’est ce que fait Iskis, le centre LGBTI de Rennes, qui a également développé tout un questionnaire très détaillé, traduit d’un exemplaire en anglais et retravaillé par leurs soins, afin d’interroger, permettre la réflexion et l’expression de ses vécus et ressentis. Ce qui peut amener également au déclic comme cela a été le cas pour l’enquête réalisée par Nous Toutes. Car même lorsque l’on emprunte le chemin de la déconstruction, on peut encore être influencé par certaines idées et stéréotypes tout comme on peut encore être dans le déni face à certains comportements et agissements. « On a aussi fait deux sessions d’ateliers consentement. Ce sont des formations qui vont entre 12h et 2 jours et c’est vraiment chouette. Ça permet à la parole d’émerger différemment et aussi de poser noir sur blanc la réflexion autour de la culture de l’association. », s’enthousiasme Antonin Le Mée. focus Visibiliser cette majorité de la population largement sous-représentée dans la société. Non, on ne parle pas des photos de pénis (dick pics) envoyés par texto sans le consentement de la destinataire. On parle bien évidemment des femmes, qu’elles soient blanches, racisées, handicapées, valides, transgenres, hétérosexuelles, voilées, lesbiennes, bis, cisgenres, en jupe, en talon, etc. Les rendre visibles, dans leur pluralité, dans leurs singularités, leur donner la parole (sans la couper), les écouter, les entendre. Respecter leurs expériences, leurs ressentis, ce qu’elles sont, ce qu’elles aspirent à être. Libres. Libres de décider, libres de choisir, libre de dire oui, libres de dire non. Pour en finir avec le trouble dans la notion de consentement. Un trouble garant de la culture du viol et des violences sexistes et sexuelles. Stop. S’assurer du consentement de l’autre n’est pas un frein à l’excitation montante et à la sexualité. Bien au contraire, cela peut être une super occasion de se découvrir et de partager. Une manière d’envisager le désir et le plaisir. Dans le respect. Juillet - Août 2020/yeggmag.fr/33 CÉLIAN RAMIS



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