Novembre 2018/yeggmag.fr/10 FATMA SAFI PRÉSIDENTE ET CO-FONDATRICE DE L’ASSOCIATION TUNISIENNE POUR L’ÉDUCATION PRÉNATALE (ATEP) En avril 2016, est fondée l’ATEP à Rennes puis à L’Ariana, en Tunisie, dans le but d’humaniser les soins de santé maternelle et infantile, de lutter contre les violences obstétricales et d’accompagner à la parentalité. Du 19 novembre au 2 décembre, la structure présente, à la Maison de quartier La Touche, l’exposition Mères indignes, réalisée par la bédéiste tunisienne Nora Habaieb, qui animera à la MIR, un atelier BD le 20 novembre. Dans le cadre du Festisol. Comment est née l’association ? Je suis médecin généraliste de formation et je suis passée par le service maternité de l’hôpital public, à Tunis. Après quelques années, je me suis dit qu’il y avait un problème : les violences obstétricales, l’hypermédicalisation, la non prise en compte des volonté des femmes, les épisiotomies systématiques… Étudiante, je ne me rendais pas compte, c’était la norme. La violence physique et verbale m’a rattrapée. J’ai suivi une formation de préparation à l’accouchement aux États-Unis. J’ai alors compris qu’il y avait des alternatives, qu’on pouvait apporter la notion de respect et de choix. J’ai accouché là-bas. Vu mon appartenance religieuse, je ne savais pas comment j’allais être accueillie… J’ai demandé à ce qu’il n’y ait pas d’hommes dans la salle, d’avoir des versets du Coran… Tout a été accepté. Il y avait donc une autre façon de faire ! On a créé l’ATEP, à Rennes, puis en Tunisie. Maternité, tabous et BD… Pourquoi ? Cette bédéiste a commencé à aller à l’encontre des normes sociales, je l’ai contactée pour lui parler de l’ATEP. Le sujet l’a tout de suite touchée et elle a voulu parler du post natal, des vécus des mamans souvent tabous. On leur demande d’être heureuses, de ne pas se plaindre… On lui a donné des contacts de femmes, en France et en Tunisie, et elle a fait des interviews par téléphone. Ça donne l’exposition Mères indignes. C’est osé. J’aime bien. Quand elle a commencé les interviews, le titre est sorti ! J’imagine que cela reflète bien le regard qu’elle avait sur la situation. On cherchait un moyen d’attirer les jeunes et on a pensé à une BD interactive. « Break the silence » parle des tabous et des mythes autour de la maternité. Le fruit de ce travail sera restitué avec l’exposition. L’atelier est ouvert à tout le monde, dès lors que l’on sait dessiner ! société Briser le silence, pas évident… L’accompagnement à la parentalité est important. Avant, ça se passait un peu plus naturellement, j’ai l’impression. Les femmes avaient vu leurs mères, sœurs, etc. accoucher et allaiter. Elles se posaient moins de questions. Aujourd’hui, elles se sentent seules dans leur maison, les liens se perdent. Ce n’est pas facile de se retrouver face à ce bébé, un individu nouveau qui bouscule les parents. On peut se sentir démunies. Il y a un décalage entre les attentes et la réalité. Et on sait qu’on va se faire juger peu importe notre choix. Personnellement, je pense que l’on peut faire ce que l’on veut si on est convaincues ! Il est très important de mettre en évidence qu’il y a plusieurs choix pour plusieurs types de parentalité. Je pense qu’il est important de s’informer. C’est un droit et une responsabilité presque. Une fois informé-e-s, on peut choisir et assumer, pour ne plus sentir les attaques. I MARINE COMBE CÉLIAN RAMIS |