aux Ed° de La Sirène). On y voit les déboires d'un employé de bureau martyrisé par un système implacable où l'humain n'a pas vraiment sa place. Le livre culte, GénérationX, de Douglas Coupland se pose lui aussi comme un vrai pavé "anticorporatiste". Ses personnages surdiplômés, ballottés dans des travaux minables, se fraient un passage dans la vie à coup de petites victoires sur l'entropie du travail. L'âme artistique cache toujours un petit saboteur en herbe. plus terre-à-terre, dans une semaine, tu seras à genoux ! comment détruire un fax, un ordinateur, un standard téléphonique, une carrière. Chaque objet de bureau est recensé systématiquement avec, en vis à vis, un moyen de le saboter. Ces textes se bousculent sans aucune échelle de valeur : comment nuir à un collègue innocent, "Mettez la photo d'une femme nue à l'allumage de son ordinateur, sa réputation en prendra un coup ! ". Plus obsessionnel et ciblé, la très étrange home page intitulée How to turn the work life of a 7-Eleven employee into a living hell se propose de passer en revue toutes nous allons tous les mater ! petites vengeances contre un monde extérieur qu'ils ne comprennent pas vraiment., pour lutter contre le fléau du sabotage, un nombre impressionnant de firmes de sécurité se sont lancées dans la lutte contre le "crime d'entreprise" et vantent leurs mérites sur Internet. Ainsi, Corporate Security 2000 propose "les meilleures technologies pour lutter contre le sabotage, les virus informatiques, le vol, le kidnapping de cadres". Le Netsurfer est tout de suite rassuré en voyant le Souvent l'ennemi est dans la place, derrière le bureau du second, d LULU Internet foisonne de conseils pratiques sur le sabotage d'entreprise. Dans le Avenger's handbook, ou encore le New Job ?, on trouve non seulement une philosophie simpliste : "ils t'ont eu, tu vas les avoir" proche du Just Do lt de Nike, mais aussi des listings à n'en plus finir des milles et une manières de faire du mal à son supérieur hiérarchique ou à sa structure. Des pages entières expliquent les méthodes pour dévaster une supérette 7-Eleven. L'auteur a visiblement un très gros problème avec cette entreprise puisque son texte dépasse les quatre pages et lui a, semble-t-il, déjà causé quelques problèmes avec la police. Dans l'underground du sabotage, on trouve aussi beaucoup d'ex-adolescents, devenus bedonnants et hargneux, qui seuls dans leur chambre, compulsent à l'infini des directeur de Corporate Security 2000 : avec son look à la Steven Seagall, arme à la main et biceps contractés, on voit immédiatement qu'il est l'homme de la situation pour découvrir qui bouche les toilettes du service compta depuis deux semaines., de Super Autoroutes et un avenir où l'homme sera enfin un travailleur épanoui, on se rend compte, en s'aventurant sur le terrain obscur du sabotage, qu'il n'en est rien. Bien au contraire, on voit clairement apparaître dans la société de services toute une sous-classe de travailleurs soumis à des contraintes hallucinantes, formatés à des règles inhumaines, avec comme unique possibilité d'expression de leur désarroi, la forme la plus brutale : le sabotage. Comme le rappelle Havelock Ellis : "Là où il y a le plus de travail ce n'est pas toujours là où il y a le plus de vie". Et on réalise vite que la solution n'est pas dans la répression : chaque gadget de surveillance, caméra ou micro, peut être facilement contourné. L'existence du sabotage (et les signes clairs de son développement) est une question lancée à l'establishment : "Quand cessera t-on d'exploiter l'homme comme une machine ? ". Si la réponse est : "jamais ! ", le sabotage a encore de beaux jours devant lui... >interactif n°9 Mai 1996 67