édito du n°11 > "C'EST BIEN JOLI DE REFLECHIR, MAIS DANS LA RUE, TU DECHANTES !" me disait à table l'autre soir Jean-Claude Brialy (c'est faux, mais qu'importe, on peut parler, non ?) >Il est frappant de constater que LE LANGAGE SERT VRAIMENT A TOUT CES TEMPS-CI. Exprimer est même pour certains un job à part entière. Cette peine méritant salaire, et le salaire étant la condition sans laquelle on n'est plus au monde, il est aisé, par le langage, de piller, de détourner, de s'approprier plutôt que de montrer. Le résultat : ce dont on parle est euthanasié par celui qui en parle. Car c'est une fois qu'un thème est entré dans le domaine de l'information qu'il disparaît du domaine humain, celui de la réalité. Quelque spécialiste, quelque tribu, quelque analyste en fera sa chose. Il émettra de temps à autre de faibles avis, que l'on tiendra pour justes. Le réconfort de savoir que quelqu'un sait. "L'évangile selon Ouin-Ouin". Ceux qui ont fait quelque chose et en ont déjà entendu parler me comprendront. Certains appellent ça "récupération", d'autres "succès". C'est... juste du langage. >OBSCURANTISME, tu étais tout ce que nous ne connaissions pas, tu es devenu tout ce que nous croyons savoir et à quoi nous nous intéresserons plus tard. Peut-être. Si l'envie nous vient d'en avoir envie. Restons open. C'est pas parce qu'on est surbooké de bonnes intentions qu'on ne peut pas en avoir d'autres. Et d'autres. Et d'autres. "ON NE SE BAIGNE JAMAIS DEUX FOIS DANS LE MEME FLEUVE" disait Héraclite. Mon avis est que la plupart DES GENS NE S'Y BAIGNENT MEME PAS UNE FOIS. Quel dommage. Mettre sur "Pause" des moments de génie aussi éphémères que non-existants. Croire que la satiété est un vin plus doux que la soif. BREF, NE PAS PENSER A AUTRE CHOSE. NE PAS PRENDRE LE TEMPS DE SAVOIR QU'ON NE SAIT RIEN. QUEL CRIME CONTRE SOI. A.W >interactif n°11 Eté 1996 03