croit bien tranquillement couché au cimetière et il ne me quitte ni jour ni nuit. Ah. misère ! Et les bandits qui m'ont fait agir n'ont même pas tenu leurs promesses. Ils ne m'ont pas payé ce qu'ils me devaient. Ils me laisseront crever comme un chien. L'infirmier qui s'était éloigné un instant revenait. - il dit à Dick. — Il faut partir, monsieur, vous voyez bien que le malheureux divague. C'est ainsi après chaque piqûre, mais on ne peut toujours pas le laisser souffrir, n'est-ce pas ?... Dick avoua qu'il comprenait. parfaitement qu'on endormit le blessé. - Il va délirer ainsi jusqu'à ce que le sommeil vienne. assura l'infirmier, et demain cela recommencera. C'est affreux. On fait de son mieux. Pense-t-on le saliver ?... Oui, mais t'amputation a été difficile, cet homme mettra longtemps à. se remettre. DM : quitta l'hôpital doublement impressionné. on n'assiste pas impunément à une crise pareille. Le jeune homme, si brave dans les difficultés de la vie, lui qu'aucun danger n'aurait pu émouvoir, demeurait sans forces devant la souffrance physique. Comme beaucoup d'hommes, il n'avait jamais pu voir couler le sang sans blêmir. Cette fois, à part l'émoi que lui donnait la vue du misérable en proie à son atroce torture, venait se méler la surprise des révélations qu'il venait d'entendre. Dans son esprit prompt à se rendre compte de la gravité des aveux de Victor. un rapprochement venait de se faire. Dans le. délire provoqué par la violence du stupéfiant, le Mystérieux revivait son crime, croyait voir apparaitre l'ombre de sa victime. Et Dick. tout à coup, avait compris. Le voile s'était déchiré. Celui que Victor avait lâchement empoisonné n'était autre que le père de Thérèse. Victor était le bras, tuais les cousines de Mirande et aussi sans doute les cousins d'Aix avaient été la tête du complot. C'est pour leur obéir. berné par de fallacieuses promesses, que l'homme maintenant couché sur ce lit d'hôpital avait agi. La trame se déroulait aux yeux de Dick comme le plus palpitant des films. Il comprenait à présent les craintes de te._voisin misanthrope. sa terreur des nouveaux visages, ce besoin qu'il éprouvait. de se cacher à tous les yeux. Longtemps, sans doute, il avait traîné sa vie vagabonde. du Périgord en Provence, harcelant ses complices de demandes d'argent et de menaces. Un jour, muni d'un petit pécule, il s'était décidé à. se rendre dans la capitale était venu se terrer dans ce coin de Saint- Germain, où de loin en loin les coupables lui envoyaient- quelques subsides pour l'empêcher de parler. Tout se tenait dans cette Jdfaire. Mais Dick ne voulait pas se contenter de ce qu'il avait entendu. Il lui fallait à présent une relation complète du crime et cela de la bouche nième de l'assassin. J'attendrai, décida le mari de Thérèse. Victor. un jour me dira tout. LE VOILE SE DÉCHIRE Il n'eut pas à attendre trop longtemps. Un mois plus tard, Victor quittait l'hôpital et ce fut Dick lui-même qui vint l'y prendre pour le conduire à son domicile. t 7ne fois installé dans sa chambre que, par les soins de Thérèse, une femme de ménage avait mise en ordre, le blessé, couché dans un lit douillet, leva vers Ifubois un regard reconnaissant : - Dites-moi, je vous en prie, pourquoi vous avez pris un tel intérêt à ma parsonne. Je suis un paria, un maudit, quel mobile vous a poussé à"n'assister dans mon malheur ? - Guérissez d'abord complètement, nous nous expliquerons ensuite. L'homme eut soudain un œil peureux de bête traquée pour questionner : - Après m'avoir secouru, vous ne voudrez pas me faire du mal. Dick ne répondit pas. Il partit laissant l'étranger perplexe. Deux longues semailles s'écoulèrent. Dick avait eu le courage de ne rien dire à sa femme de ses soupçons. Aussi Madeleine et sou mari trouvaient la conduite du jeune homme assez étrange. Madeleine disait à Thérèse. - Vraiment, ma chère, je ne comprends pas ton mari, Pierre et moi nous ne parvenons pas à nous expliquer par quel caprice Dick s'est attaché à la personne de cet individu. qui, si longtemps, nous a fait peur à tous. Ce rôle de bon Samaritain que Dick s'impose ne te semble-t-il pas étrange à toi aussi ? Thérèse ne voulait pas juger Dick. Pour elle, il tic pouvait rien faire que de juste et de bon. Elle lui avait pour toujours accordé sa con liance, le plaçait sur un piédestal dont rien ne pourrait le faire descendre. A peine montra-t-elle quelque surprise le jour où Dick, radieux, la prit dans ses bras pour murmurer à son oreille : Thérèse, ma bien-aimée, l'ombre de ton père peut désormais dormir tranquille, je suis maintenant en mesure de punir ses meurtriers. Que veux-tu dire ?... Il parla. La veille, Victor, pris d'une nouvelle crise, avait succombé à une crise de septicémie, conséquence de sa blessure. Avant de mourir, il avait fait appeler Dick et sans se douter qu'il était devant le gendre de sa victime il avait tout avoué. Avant le prêtre appelé en hâte, le mari de Thérèse recevait sa confession. Devant les remords de l'agonisant, Dick avait eu la force de taire ses sentiments. Cet homme allait-paraître devant Dieu qui le jugerait. Les humains n'avaient plus rien à faire avec lui. Toute la haine de Dick. tout son désir de vengeance allaient à ces parents abominables, codsins et cousines de Thérèse. véritables instigateurs de l'assassinat. Ceux-là, par ses soins. seraient bientôt démasqués. Ils ne devaient cependant pas expier leur forfait comme l'avait espéré Dick. Quand la justice, enfin éveillée, voulut punir les coupables, les envoyés du juge d'instruction arrivèrent trop tard. Les darnes Loriot de Mirande, à la suite d'une dernière dispute, venaient de s'asphyxier. Les cousins d'Aix, plus avisés, avaient pris la fuite. Qu'importe, dit Thérèse. Ils n'ont pu jouir de leur forfait. Oublions ce cauchemar, mon bon Dick, ne songeons plus qu'à jouir en paix du bonheur que Dieu nous donne. Dick, cependant, était loin de se montrer satisfait. Son flair de policier ne l'avait pas trompé. Une fois de plus, avec un flair méritoire, il était arrivé à démêler l'écheveau inextricable de l'affaire, mais les meurtriers lui échappaient. Il ne se pardonnait pas d'être arrivé trop tard. T ne grande compensation lui était réservée. Quand, à quelques jours de distance, il arriva à l'étude, le notaire le présenta à un homme entre deux âges au visage intelligent, au regard extraordinairement. profond. - - Mon cher Frédéric, prononça le tabellion, voici M. Durieux, attaché à la Sûreté générale. Il cherche un garçon dans votre genre. Je lui ai dit une partie de vos aventures : il pense comme moi, que votre place est mieux auprès de lui que dans ma maison. Ifiek voulut l'interrompre : Attendez, vous parlez l'anglais. n'est ce pas ?... Comme ma propre langue, niais je ne vois pas bien... - Ecoutez-moi et vous comprendrez. Monsieur Durieux a besoin d'un détective dans votre genre, c'est-à-dire un amateur qui n'ait peur d'aucun risque et que tente l'imprévu. Il s'agit d'une curieuse poursuite aux Etats-Unis. Vous serez largement payé et votre mission remplie. on vous pourvoira d'une situation à votre gré. Mais. j'ai une femme ! des enfantsle n'ai aucune envie de les quitter... Ils-vous suivront à New-York. Dick hésitait encore. - Allons, dit le notaire, allez retrouver Madame Dubois, et revenez me rendre la réponse demain. J'ai idée que ce sera oui. Le paquebot Normandie quittait Le Havre devant une foule compacte de badauds et d'admirateurs. Sur le quai, Madeleine et Pierre, les yeux humectés de larmes, contemplaient le spardeck où Dick se tenait entre Thérèse et les deux petits. — Bonne chance, Dick, cria Pierre, quand la lourde masse s'ébranla. Dick. un bras entourant la taille de sa femme. répondit : Au revoir, mes amis, on vous écrira. Et lentement, la maison flottante glissa sur les vagues, ne fut bientôt plus qu'un large point blanc à l'horizon. IN |