A lire 78 Festives lectures Sélection par notre rédaction des romans et livres qui ont marqué la fin d’année 2014 et le début 2015, dans ou hors du champ purement philosophique. n Modiano enfin consacré ! Un jour, deux inconnus qui prétendent avoir retrouvé le carnet d’adresse de l’écrivain Jean Daragane insistent pour le rencontrer. Daragane leur accorde un rendez-vous et le voilà embarqué malgré lui dans l’enquête que ces deux jeunes gens mènent sur un certain Guy Torstel... À mesure que Jean Daragane se replonge dans son enfance et dans sa jeunesse, l’émotion du lecteur s’accroît, et culmine dans deux superbes scènes finales : la visite chez le Dr Voustraat et le voyage vers Rome. Encore une belle réussite de Modiano, consacré par son Prix Nobel de Littérature. « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier », de Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature 2014, Gallimard, 160 pages, 16,90 €. n Métro, boulot, philo Comment présenter dans un même plan des sujets aussi différents que les débuts de l’informatique, la caverne de Platon, les règles de la logique ou l’éthique de Spinoza ? Par où commencer ? Comment terminer ? Le fil conducteur qui relie tous ces sujets est la créativité. Plus exactement la passion pour les idées nouvelles, qui a conduit les auteurs à découvrir les idées anciennes, tant en sciences qu’en philosophie, autour d’une question centrale englobant toutes les autres : comment penset-on ? La métaphore d’un réseau de transport, le plan de métro parisien, s’est alors imposée : chaque station porte le nom d’un philosophe ou d’un scientifique car l’histoire des Idées est avant tout celle des hommes et des femmes qui les ont eues. « Les philosophes dans le métro » de Luc de Brabandère et Anne Mikolajczak, Essai, Le Pommier, 160 pages, 13 €. n Un Goncourt qui vaut le détour Deux voix entrelacées. Celle, révoltée, de Georges Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les nationalistes avec la bénédiction de l’Eglise catholique contre les « mauvais pauvres ». Son pamphlet, Les Grands cimetières sous la lune, fera bientôt scandale. Celle, roborative, de Montse, mère de la narratrice et « mauvaise pauvre », qui, soixante-dix ans après les événements, a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours radieux de l’insurrection libertaire par laquelle s’ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d’Espagne, des jours que l’adolescente qu’elle était vécut dans la candeur et l’allégresse dans son village de Haute Catalogne. Deux paroles, deux visions qui résonnent étrangement avec notre présent, comme enchantées par l’art romanesque de Lydie Salvayre, entre violence et légèreté, entre brutalité et finesse, portées par une prose tantôt impeccable, tantôt joyeusement malmenée. « Pas pleurer » Prix Goncourt 2014, de Lydie Salvayre, Seuil, 278 pages, 18,50 €. n Philosophie de la joie Vers quoi tend l’âme ? A toujours plus de joie, c’est-àdire plus de puissance, plus d’harmonie, plus d’unité. Elle tend simplement au bonheur de vivre pleinement. Tous les hommes veulent le bonheur ; mais comment l’atteindre ? Et est-ce même possible ? La plupart des gens et des philosophes proclament que le bonheur total n’existe pas, qu’il est impossible de vivre dans une totale satisfaction, qu’il ne peut exister que des instants fugitifs de joie dans une vie au mieux agréable. Ce livre est pourtant une invitation à progresser sur le chemin de la sagesse en pratiquant la philosophie de la joie, s’appuyant sur la sagesse des grandes traditions philosophiques et spirituelles. « L’expérience du bonheur : Une philosophie de la joie » de Bruno Giuliani, Almora, 336 pages, 18 €. D U C Ô T É n Emouvant Foenkinos Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu’elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Exilée, elle entreprend la composition d’une œuvre picturale autobiographique d’une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : « C’est toute ma vie ». Portrait saisissant d’une femme exceptionnelle, évocation d’un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d’une quête. Celle d’un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche. « Charlotte », Prix Renaudot 2014, de David Foenkinos, Gallimard, 224 pages, 18,50 €. n |