Philosophie de vie P H I L O S O P H I E D E V I E « Pratiquer la compassion, c’est éduquer son cœur » Pouvez-vous nous en dire plus à propos de vous ? Victor Chan : En réalité toute ma vie a changé lorsque j’ai été kidnappé. Je suis né en Chine et ai connu pendant 20 ans la culture insulaire plutôt restrictive de Hong Kong. J’avais déjà en moi le désir de vivre autre chose, de plus profond et c’est ainsi qu’après avoir fait mes études au Canada, où je suis installé à présent, j’ai eu envie de connaître d’autres cultures. J’ai donc pris l’initiative de partir voyager de par le monde et me suis finalement retrouvé en Afghanistan après être passé par l’Europe. Et c’est là que j’ai été kidnappé avant de pouvoir heureusement m’enfuir après trois jours. Tout a changé à partir de là, car les rencontres de la vie ont fait que je me suis rendu à Dharamsala où j’ai vu pour la première fois le quatorzième Dalaï-Lama. 14 Rencontre avec Victor Chan fondateur du Centre Dalaï-Lama pour la Paix et l’Éducation Dalaï-Lama Victor Chan est encore assez peu connu des lecteurs français, sauf ceux qui s’intéressent au bouddhisme et au parcours extraordinaire du Dalaï-Lama. Ce physicien d’origine chinoise a un parcours surprenant qui lui a permis de suivre ce « Chef Suprême » pendant des années et de témoigner de la culture et de la philosophie tibétaines. Son dernier ouvrage, cosigné avec sa Sainteté le Dalaï-Lama, évoque cette valeur peu mise en avant qu’est la compassion. Rencontre avec l’écrivain pour comprendre la puissance de la compassion dans notre vie quotidienne. Vous rencontrez donc le Dalaï-Lama en 1972 à l’âge de 27 ans. Quelle a été votre première impression ? Je n’étais pas intéressé par cette culture à l’époque, car il faut dire qu’à Hong Kong, nous ne connaissions absolument pas le Tibet. En voyant le Dalaï-Lama pour la première fois, je rencontrais à la fois le chef d’un pays, mais aussi un chef spirituel, « chef suprême » en quelque sorte. Ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’il ne se prenait pas au sérieux, et qu’il était curieux de tout, même de mes vêtements. Très ouvert, plein d’humour, amusé, sans une once de scepticisme. Plein de rire. Son anglais n’était pas très bon à l’époque et nous passions par un traducteur. J’étais surpris, car c’était comme rencontrer un inconnu dans la rue, humble et aucunement impressionnant. L’autre élément qui m’a étonné, c’est la ville de Dharamsala, dix ans après l’exode tibétain en Inde : ce peuple avait dans ces années-là totalement gardé sa culture, on pouvait le constater à l’apparence physique, aux vêtements, mais on BIO EXPRESS DE VICTOR CHAN Né à Hong Kong en 1945 Nationalité canadienne Physicien et écrivain Pris en otage en Afghanistan en 1971, mais parvient à s’échapper rapidement Rencontre le Dalaï-Lama en 1972 1984-88 : vit au Népal et visite le Tibet 1990 : retour au Tibet pour un pèlerinage 1994 : Retour en Europe où il publie son premier ouvrage Marié à une paysagiste originaire d’Allemagne de l’Est, deux filles : Kira et Lina 2005 : Création du Dalaï-Lama Center for Peace and Education voyait que l’affinité au bouddhisme était intacte. Je me sentais vraiment au centre d’un village tibétain, entouré de gens ouverts sans préjugés et qui riaient facilement. La mise en relation était facile et cela m’a d’autant plus frappé que ce n’était pas du tout le cas par exemple en Iran ou en Afghanistan d’où je venais. Je pourrais même dire que c’était presque une ambiance enfantine. Comment êtes-vous devenu son ami ? Suite à cette rencontre, j’ai quasiment passé dix ans au Tibet en plusieurs fois pour mieux entrer dans cette culture. J’ai beaucoup marché pendant toute cette période dans ce pays et je pense avoir été la première personne à faire la route de Lhassa à Katmandou en vélo. Un mode de transport qui laisse la possibilité de mieux prendre son temps et de comprendre la culture |