grand fonds sur le désintéres- -sement du chevalier ni sur la vertu de madame mon épouse... Mais je vois quelque impossibilité à leur conjonction... Dans une grande ville, à Versailles, à Paris, tout est aménagé pour la facilité et le secret des aventures... Mais, dans la campagne oh nous vivons, je ne vois pas comment ni oh un homme et une femme auraient facilité de se rencontrer... - Vos terres touchent à celles du chevalier et il n'y a pas entre elles de limites très rigides... D'après ce que je crois savoir c'est dans le décor de la nature, tantôt sur le terrain du chevalier, tantôt sur votre propre terrain, qu'ont lieu les entrevues... — Voilà qui est assez plaiant... Il faudra que je m'assure de la chose... — Vous y perdrez, sans doute, votre temps... Car les deux domaines sont d'une belle étendue, et les deux maraudeurs ne doivent pas s'y égarer sans prendre leurs précautions... — Ce n'en sera que plus piquant... Et, ma foi, je n'aurai de cesse que j'aie tiré la chose au clair... *** Quelques jours se passèreat. Le vicomte de Girole, le fusil à la main, se promenait dans un petit bois qu'il avait acheté à frais communs avec le baron de Janicourt, en vue de la chasse au lapin. Au détour d'un sentier, il avisa soudain le baron qui, assis sur un tronc d'arbre, le fusil entre les jambes, semblait en proie à une profonde méditation. Le bruit des branches mortes qui craquaient sous ses pas fit lever la tête à celui-ci  : Ah ! c'est vous, vicomte, dit-il. — Moi-même, baronl'ai peut- être interrompu le cours d'une rêverie poétique... Ah ! mon ami, si vous saviez !... — Quoi ?... — Je les ai vus !... - Qui ? — Ma femme et le chevalier... — Ah ! bals !... mes renseignements étaient donc exacts... — Ce que j'ai constaté était CHASS É-CROISÉ Dessin de Raymond PALL IER. plus exact encore que vos renseignements... — Allons donc !... A ce point-lit ?... — Oui, mon ami... Par exemple, j'ai mis du temps à trouver le nid... Ah ! il avait été bien choisi... Vous pensez bien que j'avais porté mes premières investigations dans les boqueteaux et les cavées. C'était élémentaire. Mais les rusés personnages avaient autant de raisons de les éviter que j'en avais, moi, de les rechercher.. J'avais battu la campagne dans tous les sens et je commençais à désespérer du résultat de mon enquête, quand, tout à l'heure, qu'est-ce que je découvre ?... Mes deux tourtereaux en train de roucouler au fond d'un puits, oh ! à sec, celui que j'ai conservé près des ruines du fortin pour les qualités artistiques de sa margelle. — S'y étaient-ils installés dans le costume que la Vérité a mis à la mode pour sortir des puits ?... — C'était leur affaire et non la vôtre, puisqu'ils étaient dedans et non dehors... — Mais encore ?... — Eh bien, j'ai su tout ce que je voulais savoir... Ah ! si je connaissais l'art de manier le crayon comme notre illustre ami, M. Fragonardl... — Le tableau valait donc la peine d'être perpétué ?... — D'être conservé, en tout cas.comme une chose que l'on n'aura jamais le loisir de retrouver... — Pourquoi donc ?... Moi qui voulais justement vous demander de m'inviter à... — C'est tout à fait impossible, vicomte... Me voilà obligé maintenant de recourir aux hommes de loi, aux procureurs (t aux sergents... — Comment, vous !... Je supposais que vous prendriez mieux une telle bagatelle... — lié !... Que voulez-vous pourtant que je fasse ?... — Rien... Puisque vous les avez découverts dans ce puits, laissez-les y retourner... Et, en prenant bien vos précautions... — Impossible, vous dis-je... — Pourtant, baron, vous les avez réellement surpris... — Oui, vicomte... mais ils m'ont vu... ALTER EGO.