Le Rire n°312 24 jan 1925
Le Rire n°312 24 jan 1925
  • Prix facial : 0,90 F

  • Parution : n°312 de 24 jan 1925

  • Périodicité : hebdomadaire

  • Editeur : F. Juven et Cie

  • Format : (226 x 302) mm

  • Nombre de pages : 20

  • Taille du fichier PDF : 79,1 Mo

  • Dans ce numéro : l'oiseau.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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LE GALANT MÉDECIN — Et vous croyez, docteur, que oc sera sérieux ? — A tel point que j'ai envie d'envoyer votre mari passer l'hiver dans le Midi. Dessin de Raymond PALLIER. UN COMMUNIQUÉ Tout le monde savait, au théâtre Taitbout, que Grétillon, le directeur, était l'amant de sa pensionnaire Odette Flush. Odette faisait tout ce qu'il fallait pour publier cette liaison. Elle traitait Grétillon avec une familiarité révélatrice, jouait à la patronne, s'affranchissait des règles de cette discipline qui, ainsi qu'on sait, fait la force des armées, et aussi des troupes ; mais, comme c'était une excellente fille, ses camarades ne lui faisaient pas moins gracieuse iiiine. On répétait, au théâtre Taitbout, Mamzelle, pièce de Tony'l'oinot, dont Odette Flush devait interpréter le rôle principal. Et, naturellement, elle venait aux répétitions avec une inexactitude scandaleuse, mettant la patience de l'auteur à de rudes épreuves quotidiennes. Un jour qu'elle arrivait avec un retard d'une heure et demie, Tony Toinet n'y tint plus et lui adressa devant tous une sévère et sèche admonestation. Odette, sans s'émouvoir, s'approcha de lui et lui dit à mi-voix  : — Si c'était dans votre lit que je m'étais mise en retard, je suis sûre que vous ne trouveriez pas ça mauvais. Cet argument émut fort Tony Toinet. A partir de ce moment, il ne fit plus aucun reproche à Odette. Et, comme celle-ci n'était pas d'une particulière modestie, tout le monde dans le théâtre. connut bientôt qu'elle partageait ses faveurs entre le directeur et l'auteur -de la pièce. L'auteur savait fort bien qu'il trompait le directeur, et le directeur ne fut pas le dernier à savoir qu'il était trompé. Mais c'était un philosophe qui appréciait avec indulgence la conduite des femmes et ne prétendait pas au monopole dans les affaires d'amour. D'autre part, il lui sembla que l'interprétation de 11Marnzelle ne pouvait que gagner à cette situation nouvelle ; et il voyait avant tout l'in,. térêt de son théâtre. 11 se résigna donc à cette mitoyenneté. ** Quelques jours avant la première, Odette arriva, comme toujours, en retard à la répétition. Elle dit  : — Cette fois, personne n'aura rien à me reprocher, car j'ai ravaillé dans l'intérêt commun. Il y eut un grand silence attentif, au milieu duquel Grétillon et Tony Toinet se regardèrent avec inquiétude. Tout le monde se méfiait des travaux d'Odette. Celle-ci reprit avec un grand air de satisfaction  : — J'aurai un bon article dans le crépuscule. Malanpit, le critique dramatique de ce journal,'tait réputé pour la malveillance de ses comptes rendus. Pour qu'Odette l'eût conjurée en ce qui la concernait, il fallait que son retard n'eût pas été du temps perdu. — Tu as donc vu Malanpit `1 lui demanda le régisseur — En voilà une question !... Naturellement que je l'ai vu !... On était fixé, oui du moins on croyait l'être ; car Odette n'avait pas cru devoir ajouter qu'elle s'était bornée à une promesse dont elle remettait l'accomplissement après l'apparition du compte rendu de Malanpit, jugeant que, quand on ne craint pas de courir, mieux vaut tenir auparavant. Tony Toinet avait pâli. 11 fit un léger signe à Grétillon. Celui-ci comprit et interrompit la répétition. Puis tous deux montèrent dans le cabinet directorial. A peine la porte refermée sur eux, l'auteur se laissa tomber dans un fauteuil, en disant  : — Qu'est-ce que vous dites de ça ?... — Elle va un peu trop loin, opina Grétillon... Mon Dieu, il y a certaines tolérances... mais, ça, je ne le supporterai pas !... — Très bien, mon ami, fit Tony Toinet en lui serrant la main avec émotion... Mais qu'allons-nous faire `1... Je vais tout bonnement couper le service de Malanpit... - C'est héroiquc... Mais il y a des moments où la dignité passe avant tout... Mon renoncement égalera le vôtre... Il ne faut plus que cet homme passe le seuil de votre théâtre... — Pour le moment, du moins, ajouta Grétillon, qui, prudemment, réservait l'avenir. A ce moment, le garçon de bureau vint avertir Grétillon que M. Malanpit demandait à être reçu. — Il arrive bien !.. : Faites-le entrer, dit Grétillon. * ** Que se passa-t-il exactement dans le cabinet directorial ? Les détails manquent â. cet égard, Grétillon et Tony Toinet n'ayant pas jugé à propos de les fournir. Les échos seuls en parvinrent sur la scène aux artistes de la troupe, sous forme TARTARIN. - Plus que jamais je suis persuadé qu'il est quelquefois utile de se monter le cou ! Dessin de Roger PRAT.
— Vous allez vous marier, jeune homme ?... Quelle boulette !.. Et, croyez-moi, c'est un chef de gare qui vous le dit Dessin de G. PAvrs. de vociférations. Ça devait chauffer chez le patron. Ils gravirent sur la pointe des pie,Is l'escalier qui conduisait à l'antichambre où se trouvait le garçon. Celui-ci, l'oreille collée contre la porte, poaissait fort agité. Oh ! oh ! ça barde, leur (lit-il... Je crois même que c'est grave !... A ce montent il se lit, derrière la porte, un fracas de meubles bouleversés, des cris aigus, et connue le bruit sourd de la chute d'un corps. Le garçon et les acteurs se précipitèrent à l'intérieur du cabinet. Le spectacle qui s'offrit à eux leur parut épouvantable. 1.e criti - que dramatique Malanpit était étendu par terre  : Grétillon et Tony Toinet s'acharnaient sur lui à coups de Loing et à coups de pied. On se précipita, on les arracha à leur victime. On ramassa celle-ci dans un piteux état, on la transporta jusqu'à un taxi. Odette était restée seule avec Grétillon et Tony Toinet. Ceuxci, immobiles, les bras ballants, comme honteux, évitaient sors regard. La jeune femme, le — L'amour, vois-tu, ça commence par un coup de foudre... — Oui, et ça finit par un coup de revolver ! Dessin de J.-J. Rou".te. prenant de très haut, les interpella  : - Eh bien ! c'est du propre !... Vous êtes malins !... Au moment où j'étais sûre d'avoir un bon article !... Mais si vous croyez Glue je vais la jouer maintenant, votre sale pièce !... Ah ! non, par exemple, et, en tout cas, pas avan'que z te Malanpit soit rétabli !... — Olr ! objecta timidement Grétillon, ce n'est peut-acre pais la peine d'attendre... I1 nous flanquera un de ces éreintements !... — Nous aurons un article épatant ! répliqua Odette avec fermeté... Je m'en charge... Seuletuent, il faut reculer la répétition générale et envoyer une rote aux journaux... Allons, ouste... grouillez-vous... ça vous regarde !... Les deux hommes baissèrent la tête. Grétillon s'assit à son bureau et rédigea le communiqué suivant  : Par déférence pour la critique, la répétition générale de Ma » rzelle au théâtre Taitbout est reculée de quelques jours. ALTER EGO.



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