LES RAVAGES DU KID oII A QUOI RfVENT LES MARES Ah ! si tu pouvais être photogênique ! Dessin de P.D1scAvBs. LE POSSÉDÉ Lorsque M Georges, honorable tabellion d'une petite ville de l'Eure, annonça à sa digne épouse qu'il se rendait à Paris pour 0 affaires », Madame fronça le sourcil : — Et tu ne m'emmènes pas, naturellement ? Ce unaturellement » était lourd de soupçons inexprimés. Il voulait dire en somme : C'est une escapade que tu tentes dans la capitale et pour être bien sûr de ne pas être dérangé, tu condamnes naturellement ta femme à garder le logis. Le brave notaire feignit de ne point comprendre ce blâme indirect. — Mais, bobonne, affirma-t-il, je vais être pris tout le temps. Songe combien tu t'ennuierais d'être délaissée, pendant que je vaquerai à mes affaires. — Je serai tout aussi délaissée ici, riposta sèchement Madame. Le voyage fut décidé quand même. W Georges irait seul à Paris, juste le temps de régler un acte, de donner sa signature, et il serait de retour aussitôt dans sa bonne ville auprès de sa douce moitié. Au moment du départ, Madame, qui voyait tout cela de mauvais gré, passa autour du cou de son conjoint une chaînette avec un médaillon contenant une mèche de ses cheveux. — La chaîne conjugale, fit le notaire, jovial. — Ça t'empêchera de faire des bêtises, s'il t'en prend fantaisie. Ce médaillon est un fétiche. Et Madame, sachant que son mari était un peu superstitieux ; lui décrivit les propriétés miraculeuses de ce petit cercle d'or qui révélait le présent et le passé quand on savait l'examiner et l'interroger. M° Georges n'osa pas repousser cette perfide amulette et, en homme dont la conscience doit demeurer pure, il l'accepta au contraire avec ostentation : — Tu pourras l'interroger au retour. ** Le train était déjà loin que Madame agitait encore son ombrelle ; tandis que le notaire, en quittant la portière du wagon pour gagner son coin, murmurait : — Brave Cunégonde, va ! Tout de même la vie de Paris lui changea un peu les idées. Quand le contrat qui l'avait amené dans la capitale fut sign4, le brave notaire se dit qu'après tout, il n'était pas de bois plus qu'un autre et qu'avant de regagner ses pénates et de reprendre le chemin de sou étude provinciale, il pourrait bien jeter sa gourme. Justement, l'occasion se présenta sous l'aspect d'une jolie tentatrice aux cheveux un peu rotex et à l'allure désinvolte. — Vous avez l'air de vous ennuyer tout seul, lui susurra cette avenante personne. Mon Dieu, W Georges se rendit bien compte qu'il ne se trouvait pas en présence d'une vierge farouche, mais, cette horizontale bien vêtue et élégante lui partit, ce jour-lh, préférable à la ligne droite. Un instant, il regarda le médaillon, puis il haussa les épaules. *** Un petit hôtel voisin servit d'autel et de nid discret. Dàns l'intimité, la jeune personne éclata soudain de rire, et saisissant le médaillon qui pendait au cou du notaire : — Qu'est-ce que c'est que ça : on peut vôir ? — N'y touchez pas, fit vivement le notaire un peu inquiet. Mais allez donc dire à une fille d'Eve de laisser un objet en place quand il est à portée de sa main. En un clin d'oeil, la chaînette fut enlevée et le médaillon ouvert. Les cheveux de Mme la « notairesse » se répandirent incontinent sur le tapis. — Eh bien, vous avez fait un bel ouvrage, déclara le notaire navré en voyant le geste de sa conmpaâne. — Ne t'en fais pas, mon p'tit, répliqua la jeune femme avec familiarité, ça s'arrangera tout seul. Et, sans hésitation, elle se Coupa une touffe qu'elle disposa artistement dans le médaillon. PRINTURIt FUtiflhISTL — Alors, decidement, vous n'en voulez pas ?... C'est pourtant charmant ! — Bien sûr, mais ma femme est enceinte ! Dessin de DHARM. |