MADAME, suave. — Eh bien, c'est entendu, Léonie, vous vous reposerez. Tenez, je vous aiderai à mettre le couvert... et nous ne changerons pas d'assiettes pour la salade. (S'admirant de tant de sacrifices consentis.) Là, ça ira comme ça ? LÉONIE. Non, non... de me reposer tout à fait... de m'en aller chez nous... pour un mois. MADAME, effondrée. — Un mois !... (Superbement égoïste.) Un mois ! Mais Léonie, vous n'y pensez pas ! Vous n'allez pas me laisser comme çal... Ce n'est pas possible. Voyons, ce n'est pas possible ! (Silence)... Et vous partiriez ?... LÉONIE. - Au plus tôt !... Demain, si Madame veut bien. MADAME, dans un sursaut. — Demain ! MONSIEUR, à part. — Déjà !... Ce qu'elle doit être serrée ! LÉONIE. - Madame peut être certaine que je regrette, mais il y a des circonstances... MONSIEUR, à Madame, avec sous-entendu. — Mais oui, comprends... il y a des cas... MADAME, pensive. — Évidemment... (Un temps.) Alors, c'est chez vous que... C'est votre mère qui... C'est là-bas que... LgONIE. - Oui, madame. Oh ! ce n'est pas pour mon plaisir... Madame peut me croire... MONSIEUR et MADAME. - Nous en sommes sûrs, Léonie, nous en sommes sûrs... LI ONIE, geignarde. — Ce que je vais en entendre ! MONSIEUR. - Pauvre fille ! LÉONIE. -... et mes économies fileront vite... Le médecin... MADAME, bas, à Monsieur. - MONSIEUR. - Mais oui, mais oui, fais donc. MADAME. - Écoutez, Léonie, je tiens beaucoup à vous. Soyez tranquille, je vous reprendrai à votre retour. Vous êtes honnête, travailleuse et vous retrouverez votre place chez moi... (Tirant son porte-monnaie.) Tenez, voici cinquante francs. Cela vous aidera dans votre... dans votre maladie... LÉONIE. - Madame est trop bonne... et Monsieur... MONSIEUR, paternel. — Ça va... ça va... Et puis, reposez-vous bien chez vous et revenez dans un mois nous faire de bons petits plats... LÉONIE, tout sourire. — Mais oui, monsieur. (Exit.) I 411, MADAME, contente d'elle. — Nous nous la sommes attachée pour la vie ! MONSIEUR. - Le geste généreux, tu sais, il n'y a que ça ! Mais comment vas-tu faire ? MADAME. - Prendre une bonne quelconque, que je renverrai dès que Léonie reviendra. On m'a parlé, ces jours-ci, d'un bureau à Auteuil... J'ai gardé l'adresse. ACTE III Le fameux bureau d'Auteuil. Une table en bois blanc. Derrière la table, une tenancière à perruque écrit, inlassablement, les noms et les demandes des arrivantes. Sur des chaises, le long des murs, s'égrènent, mornes, des dames silencieuses. Par une porte entrouverte, des éclats de voix, des rires... Ces demoiselles les bonnes s'amusent plus que les patronnes. Quittée le matin méme par Léonie, en route maintenant vers son petit patelin, Madame entre, timide  : MADAME, à la tenancière à perruque. — Pardon, madame, je voudrais une bonne... une bonne à tout faire... LA PERRUQUE. - Pas d'enfants ? MADAME, vivement. — Non, non ! Deux maîtres. LA PERRUQUE, désignant les dames mornes. — Parce que, voyez-vous, toutes ces dames en ont... Alors, elles ne trouvent personne. Mais j'ai là une fille, oh ! une fille parfaite. Elle était dans une boîte, une véritable boîte, pas payée, mal nourrie et tuée d'ouvrage. MADAME, dédaigneuse. — Oh ! il y a des gens, vraiment ! LA PERRUQUE. - Alors, vous pensez si elle les a plaqués ! Vous voulez la voir ? MADAME, tout sucre. — Volontiers. (La perruque disparaît par la porte entr'ouverte. Les rires cessent.) LA PERRUQUE, à la cantonade. — Venez mon enfant. Vous serez très bien. Une place excellente ! (La perruque réapparaît, suivie de la fille parfaite.) MADAME, en pâmoison. — Oh !. Léonie I M.-L. ARSANDAUX. SUR LES QUAIS LB PÊCHEUR. - Ça mord !... ça mord. L'ENFANT. Surtout, papa, prends-1e frais t Dessin de H. MIRANDE.