Le même jour, le dictateur envoya ce communiqué » aux journaux : « Le dictateur porte ù la connaissance des fonctionnaires de tous ordres et de tous grades qu'il n'admettra aucun relâchement dans le service. Il ne tolérera non plus aucun acte d'indiscipline. « Les fonctionnaires, quels qu'ils soient, sont les serviteurs de l'Etat et ils doivent obéir. De plus, leur nombre sera réduit de moitié. • Les récalcitrants seront pendus. « Signé : SECUNDO DE RIVERA. » Après quoi, ce bon tyran téléphona au président de la Chambre des députés : — Allo! Je ferme le Palais-Bourbon... Veuillez faire placer sur la façade de cet établissement une pancarte avec ces mots : A louer. — Allo! Mais la Constitution... — Je me fous... Mademoiselle, ne coupez pas! Je me fous complètement de la Constitution! — Les députés vont protester... — Invitez-les à n'en rien faire, car ils pourraient fort bien être pendus! Pareille communication fut faite au président du Sénat. Aucun incident à signaler. Trois jours ne s'étaient pas écoulés que tout allait déjà beaucoup mieux en France. Les impôts rentraient eu niasse, le prix de la vie baissait à vue d'oeiI, les fonctionnaires étaient tous à leur poste et travaillaient avec ardeur, les bavards du Parlement étaient rentrés dans le silence et le franc remontait. 11 est vrai qu'une potence de renfort avait été dressée sur la place de la Bourse. * * La disette de logements préoccupait aussi le dictateur qui, avant d'élire domicile a l'Elysée, avait, pendant de longs mois, vainement cherché à Paris deux pièces et une cuisine. Secundo de Rivera promulgua un décret ainsi conçu : « ARTICLE PREMIER. — Les locaux destinés à l'habitation doivent être habités : le lit et le berceau doivent chasser lz machine à. écrire. Aar. 2. — Un célibataire, quel qu'il soit, n'a droit qu'à une chambre. « ART. 3. — Les familles nombreuses seront logées dans les appartements, hôtels particuliers, etc., jusqu'à présent occupés par des ménages sans enfants : ces ménages auront cependant le droit de conserver deux pièces et pourront avoir accès la, cuisine. « ART. 4. - Tout propriétaire qui spéculera sur les loyers sera pendu. « ART. 5. — Tout locataire qui trafiquera sur les baux, les mobiliers, etc., sera pendu. • ART. 6. — Tout concierge qui exploitera les candidats-locataires sera pendu. « ART. 7. — Les palais officiels, y compris -l'Elysée, seront mis à la disposition des sans-logis. Signé : SECUNDO DE RIVERA. » Il n'en fallut pas davantage pour résoudre cette question des loyers que les parlementaires s'étaient contentés de « solutionner „ Le dictateur prit d'autres mesures non moins importantes et énergiques. Il ordonna la mise à la retraite des grandes coquettes,' danseuses, etc., âgées de plus de 55 ans et inscrites sur les contrôles des théâtres subventionnés. • Il fit percer, en huit j ours, le boulevard Haussmann. 11 supprima les sous-préfets. Il obligea Carpentier et Siki à se rencontrer sur le ring, sous peine, en cas de refus, de pendaison immédiate (mais ce match, historique fut proclamé nul). Il fit partir et arriver à l'heure le train dAsnières. Il interdit toute représentation des drames en vers de M. Maurice Rostand et invita Mile Raquel Meller à ne plus chanter la Violetera, sous peine de pendaison pour l'un et l'autre. 11 fut, en un mot, le bon tyran réclamé par Ernest Renan. Mais, hélas! sa popularité ne dura que quelques mois. Et le jour vint, — il devait venir, — où Secundo de Rivera gravit, à son tour, la fatale échelle pour essayer la cravate toute Bite qu'il avait lancée. C'est une cravate qui va toujours fort bien : quand on l'a adoptée, on la garde jusqu'à la mort, et même quelques minutes après. Clément VAUTEL. LES AGENTS. — Justement, on va vous accompagner au violon! LE MUSICIEN. — Attendez! attendez! Marchez au moins en mesure! Dessin de H. M1RANDE.