— Chère amie, je vous présente l'auteur de mes jours. — i'ne oeuvre qu'on a beaucoup critiquée, chère'madame. Dessin de'l'os. garçon, poussa les vins comme il convenait et vérifia les additions férocement. Deux heures tournèrent. Le jour s'annonçait déjà. sous la porte, blême comme un visage d'insomnie... C'est alors que Joë Bliss s'aperçut que la jolie femme sommeillait doucement sur son siège. I1 ne restait plus que deux clients dans le restaurant. lis se levèrent et sortirent en disant  : — Au revoir, Joël N'oublie pas de réveiller cette belle grive ! Le patron s'avança vers elle et lui toucha l'épaule  : — Madame, il est six heures, excusezmoi, mais... Elle se frotta les yeux. — C'est bon de dormir, fit-elle, on oublie... Le garçon, courbé en deux, déposa la note. Alors, la jeune femme regarda. Joë bien en face et lui dit  : — Je n'ai pas un sou pour vous payer... Mon ami m'a posé un lapin. Je suis sans un... Il étouffa un juron et rougit de colère. Mais elle n'eut pas l'air de se troubler  : { MAUVAISE MUSIQUE Patron, mon petit patron, continuat-elle, les yeux prometteurs, une lemme a toujours sur elle de quoi payer... Veux-tu de moi ? Je vaux plus cher que ton souper, tu sais ? Elle se lit si désirable qu'il consentit. Ils montèrent tous deux dans l'appartement de Joë qui murmurait en lui-même  : - Il faut qu'elle soit jolie comme elle l'est pour que j'accepte le paiement en nature'. Quelques minutes plus tard, il ne regrettait pas sa faiblesse. L'inconnue savait provoquer les voluptés, et son étreinte, comme elle l'avait dit, valait phis cher que le souper. Joe Bliss fut tellement bouleversé de plaisir qu'il voulut récidiver surle-champ. Mais elle résista avec dignité en se rhabillant d'une main rapide  : — Non, mon petit, c'est assez d'une... Et comme il s'emportait, flambant de désir renouvelé, elle lui jeta, glaciale, très femme d'affaires  : — Voyons, patron, je n'ai pris qu'une fois du... croupion à la russe ! René RABÂCHE. — Ah ! je comprends pourquoi tu me disais que c'était ton frère de lait. Dessin. de BOGISLAs. Le Chant de la Mouche Le lundi de la Pentecôte, Un chien souffrant, sur un étal,'Déposa près d'une entrecôte Un résidu monumental. Ma mère, qui n'était point sotte, Portant mon oeuf, le pondit là... Et c'est dans la graisse et la crotte Que mon enfance s'écoula. Depuis je me suis raffinée. Je dois de nouvelles douceurs Aux.conseils d'une de mes soeurs, Mouche verte, grosse et bien née. J'ai fui ces nuages malsains De bestioles sans vergogne Qui, s'abattant sur la charogne, En font une tarte aux raisins. J'habite une maison bourgeoise Où, selon les lieux et moments, Ça fleure bon les excréments Ou la compote de framboise. Parfois la pucelle qui dort Rêve l'ivresse révélée Au contact d'une lèvre d'or  : C'est mon aile qui l'a frôlée ! Quand j'ai promené mon suçoir Du water-closet à l'office, Pour me distraire un peu, le soir,. Je m'en vais souper à l'hospice. C'est là que mes vols triomphants Me mènent des draps de typhiques Aux couches des paralytiques, En passant par les lits d'enfants. On en médit. On me reproche De tracer des routes au deuil, D'être la mouche du cercueil Plutôt que la mouche du coche. Mais qu'importe ? J'aime'cela, Car  : ma, vie est.peu monotone Et je sais qu'au prochain automne Je mourrai dans du chocolat. — Madame devrait dire à Mademoiselle de ne plus jouer de valses...  : va lait tourner la mayonnaise. Dessin de M. SAUVAYRE. Jean-Jacques BERNARD.