deux feux. Il y aurait à peine une demi-heure à se battre pour gagner. Après, on risquait un mouvement tournant de La Fontaine qui se déciderait à encercler Enghien, tout en laissant une partie de ses troupes face à Gassion. Tout devait se passer très vite. Il fallait foncer, tuer, et gagner. On avait moins d’un quart d’heure pour emporter la décision. Et c’est ce qui se passe. La Ferté et ses soldats prisonniers sont libérés. Les canons sont récupérés. Mélo est enfoncé. Les Espagnols n’en sont pas revenus d’être attaqués par derrière. Les Français se battent comme des Dieux. Les Espagnols résistent vaillamment. Mais ils sentent le vent tourner. La victoire est complète sur les deux ailes. Tout ce que l’on peut dire, c’est que Melo n’a pas été très bon. Il n’a pas su bien coordonner ses troupes. Il n’a pas su réagir à l’événement. Il a manqué d’allant lorsqu’il menait lui-même ses troupes à l’assaut. En fait, il ne s’attendait pas à de telles réactions si brutales de la part d’Enghien qu’il avait sous-estimé complètement. Il avait été trop logique : cela ne se fait pas de gagner quand on est en infériorité numérique, en infériorité de qualité et en infériorité d’armement. Et quand on est un jeune prince de sang qui n’a pas fait toute la guerre de Trente ans. Mais la guerre n’est pas l’art de la logique. C’est celui de la stratégie. Par définition, celle-ci intègre la logique, tout en lui laissant sovent une faible part. Parce qu’une victoire se gagne par autre chose qu’une équation. Elle repose sur des hommes. Sur le pouvoir psychique des généraux et des soldats, et sur leur énergie ultime qui est différente selon les caractères et les circonstances. En stratégie, il n’y a pas de règle fondamentale. C’est un jeu perpétuel, qui ne repose pas sur une arithmétique certaine, mais sur une suite de donnes où intervient le hasard, le rythme biologique des combattants, la volonté de puissance des décideurs, leurs faiblesse qu’il faut qu’ils transforment 88 Histoire Événement• n°15 |