C’était très courageux. Dans la bataille, tous les ennemis allaient le viser en priorité. Il multipliait peut-être par dix ses risques de se faire tuer. Le fait de ne pas porter de casque de fer le mettait aussi en plus grand danger. Mais un chef doit-il montrer moins de courage que le plus risque-tout de ses hommes ? La bataille allait être meurtrière, tout le monde le savait. Les adversaires étaient presque face à face. Les Espagnols devaient passer. Les Français étaient obligés de les en empêcher. Chacun, à partir du moment où il avait un peu de discernement, se rendait compte de l’enjeu de cette bataille : C’était soit l’agonie du royaume de France, soit l’agonie de l’empire espagnol. Des deux côtés, il y avait la fine fleur de l’aristocratie, l’élite des soldats de métier. Si l’armée espagnole était composée de plusieurs nationalités, celles-ci étaient toutes liées par ce sens de l’histoire, vu par le Saint Empire romain germanique, vu par cette mystique profondément catholique qui avait mené tous ces soldats à lutter contre les redoutables protestants allemands … Il n’y avait pas d’unité nationale proprement dite, mais une unité impériale, comme il y aura plus tard dans les armées disparates de Napoléon unies par une idéologie commune. Ce qui est frappant, c’est que dans l’armée française, les soldats sont tous Français. Tous ces guerriers, essentiellement catholiques, parfois protestants, ou, comme Condé, fils de protestants convertis, ils savent qu’ils représentent l’espoir d’une nation qui est en train de se définir, après les secousses des guerres de religion. Celles-ci ont été finies il y a même pas un siècle, elles ont continué par le siège de La Rochelle. Mais elles ont surtout été transcendées par cette histoire politique qu’Henry IV, Louis XIII et Richelieu sont en train de construire. La France n’est pas encore tout à fait une nation. Elle constitue déjà un peuple important. Et si le Franco-Lorrain Fontaine a choisi entre les deux conceptions d’être un soldat des Habsbourg, tous ces nobles français, qui sont derrière Enghien, ils ont tous choisi l’autre versant de la colline. Ils sont Français avant tout. Ils se rattachent à une 80 Histoire Événement• n°15 |