ment contradictoire, une preuve d’une violence inhumaine et excessive, pour ainsi dire inutile, et que n’explique que le sadisme momentané des hommes en guerre. L’exemple de la prise de Rottenburg est exemplaire à ce sujet : la ville n’est pas dévastée, la population n’est pas ruinée ni réduite en une sorte d’esclavage, uniquement parce que le général Tilly est ce jour-là de bonne humeur et qu’il a envie de voir comment un édile supporte trente litres de vin bus cul sec. C’est dérisoire et baroque. Cela correspond à toute cette mentalité d’avant le siècle des lumières, d’avant Hegel, et d’avant la photographie. On se permettait beaucoup. Mais surtout, beaucoup moralement était permis. On ne se formalisait pas trop pour un tel acte d’humiliation, parce que l’acte même avait une publicité limitée puisqu’il n’était que très mal propagé. Il s’ensuivait que la plupart des rapports humains reposait sur des rapports personnels, plus intimes, moins formels, souvent plus extrêmes, voire malsains, mais peutêtre aussi parfois plus profonds, parce qu’étant donné qu’il y avait moins de normes à respecter, il y avait moins d’indifférence envers l’autre. Et il est difficile d’admettre que la guerre était un massacre généralisé, comme le seront les guerres totalitaires ou les guerres modernes avec leur puissance de feu supérieures à ce qu’il y a besoin pour détruire toute vie, Et peut-on vraiment parler d’inégalité ? Quel fils ou neveu de chef d’Etat, de par la monde, va prendre le commandement des armées pour se battre au premier rang, à l’endroit le plus exposé, pour montrer l’exemple et entraîner ses hommes ? C’est ce que fera le duc d’Enghien à Rocroi. C’est ce qui le rendra si proche de l’absolu et de la légende parfaite. C’est ce sentiment chevaleresque du dévouement qui compense le sentiment d’inégalité que l’on tire historiquement de cette époque. C’est là un sentiment qui tenait toute l’Europe, qui était consciente à la fois de son identité culturelle, de sa puissance et de son modernisme. Condé, Richelieu, les Bourbon et les Habsbourg raisonnent en princes et rois humains, dont les actes doivent répondre d’un humanisme. Le seul problème que Descartes, officier d’artillerie, a au sujet de sa conscience, c’est qu’il ne sait pas si elle existe ailleurs que dans sa perception, et il ne la 42 Histoire Événement• n°15 |