villages inconnus, sur des fortifications presque oubliées, qui d’un seul coup passent à l’Histoire, lorsque deux armées s’y rencontrent, parce qu’aucune autre solution n’a été trouvée à des intérêts opposés. S’agit-il d’une nécessité biologique, d’une volonté de Dieu ou du diable, ou d’une profonde erreur humaine ? La réponse n’est même pas à donner. Parce qu’elle ne nécessite pas de justification. De même que les cancers rongent nos corps, que notre vue baisse, que la décomposition est en toute chose, la politique ne peut exister par moment que par la guerre, solution extrême, temporaire, et non condamnable. A moins de condamner les tempêtes, les volcans en irruption, les roses qui meurent, les grains de pollen qui s’envolent par un coup de vent. L’erreur de notre pensée moderne, trop manichéiste, veut tout classifier en bien ou en mal. Lorsqu’elle veut transcender ces positions enfantines, elle veut croire à une sorte de fatalité qui enchaîne l’humanité au malheur. Mais notre culture moderne raisonne ainsi parce qu’elle a essentiellement perdu le sens de la raison, exprimée par l’ancienne pensée aristocratique, et qui intégrait la guerre comme une donnée humaine, ni bonne ni mauvaise, simplement existante comme la maladie, ou comme existent les astres. Les guerres éclataient par moment, la paix revenait ensuite, les anciens ennemis se retrouvaient parfois à la chasse ou à la cour, leurs familles se mariaient entre elles, et les conflits lentement se résorbaient, parfois grâce à la guerre, parfois parce que le temps changeait leur profil. La guerre, aussi naturelle que l’eau ou la lumière, aussi nécessaire, devenait, un devoir pour la classe dirigeante parce qu’elle était douloureuse. Quand on vivait dans le luxe d’un château, c’était un honneur de risquer sa jeunesse et sa santé dans un conflit qui vous était somme toute indifférent quant à ses causes ultimes. C’était le devoir que l’on avait envers les autres, sa communauté de destin, ses paysans et ses bourgeois. Les plus paisibles détournaient 44 Histoire Événement• Hors-série n10 |