Texte D. Chambre Photos F. Ferreira Edlinger – Berhault : Les 2 Patrick, amis et frères Quand ils se rencontrent à Nice pour la première fois en 1977, Patrick Berhault a vingt ans et Patrick Edlinger dix-sept. Comme le soulignera ce dernier trente ans plus tard : « On avait la même vision de la vie, on avait fait les mêmes choix ». Ensemble, ils libèrent les voies du sud de la France, notamment dans les gorges du Verdon, gravissent les parois alpines à toute vitesse pour, à peine redescendus dans la vallée, enchaîner sur des séries de pompes et tractions. Le mantra est simple : pas un jour sans entraînement. Surmontant un dénuement matériel qui confère une aura nostalgique à cette période, ils « empruntent » une voiture pour rejoindre les sommets, dorment l’hiver dans des caves glacées en guise d’hôtel et pratiquent avec dextérité l’art de la fauche dans les supermarchés pour se nourrir ! Mais tout leur est pardonné tellement la passion et l’audace de la jeunesse transpirent de leurs frasques. L’été 1979 marque l’explosion médiatique de l’aîné Berhault. Dans un blitz stupéfiant il enchaîne dans les Ecrins et le Mont-Blanc une série de solos express dans les grandes voies alpines les plus emblématiques et prestigieuses : faces nord du pic sans Nom, des Droites ou encore couloir nord des Drus. On le sent déjà parti vers une trajectoire plus alpine alors que son comparse est avant tout un passionné du rocher. La presse spécialisée d’alors titre « Une étoile est née ». Berhault a lu et relu Reinhold Messner : si ce dernier a inauguré l’alpinisme « light », alors le niçois aura inventé celui « ultralight » dans lequel s’engouffreront ensuite Benoit Grison, Christophe Profit et Eric Escoffier. et austère voie des Plaques en face nord de l’Ailefroide Occidentale : plus de mille mètres de pentes de glace entrecoupées d’un sinistre ressaut rocheux. Le tout est bouclé en 23 heures d’Ailefroide à Ailefroide. Compte-tenu de la longueur de l’approche en hiver, on s’imagine que les procédures d’assurage et de relais devaient être réduites à leur plus simple expression ! Profitant de sa notoriété nouvelle, Patrick Berhault est invité l’été suivant en Himalaya par Yannick Seigneur, alpiniste et himalayiste majeur des deux décennies précédentes. L’objectif est lui aussi d’ampleur : le versant Rupal du Nanga Parbat (8125m), considéré comme le plus haut du monde avec 4500m, celui là même vaincu dix ans auparavant par Messner au prix de la vie de son frère. Malheureusement, trop fougueux et inexpérimenté à la très haute-altitude, il est rapidement victime du mal des montagnes et doit être évacué en urgence. Pendant ce temps-là, Patrick Edlinger fréquente encore les montagnes, notamment en Oisans où il réalise aussi quelques enchaînements solitaires comme au Pelvoux (pente centrale puis couloir Chaud). Mais son attention va rapidement revenir sur les falaises calcaires ensoleillées du sud. Même si leur vie commune est terminée, ils vont bien évidemment rester en contact et la presse reforme parfois leur cordée emblématique. En incarnant La Vie au bout des doigts, le Toulonnais accède en un temps record à une renommée mondiale qui va largement dépasser celle de son aîné, confinée à un public spécialisé. En 1985, alors que l’escalade continue sa médiatisation, son développement sportif, c’est aussi l’apparition des premières compétitions. Edlinger ne les refuse pas et enfonce le clou en Italie : mis en difficulté à Arco, il remporte celle de Bardonecchia ainsi que le titre combiné. À l’inverse, Berhault, en « On avait la même vision de la vie, on avait fait les mêmes choix » Néanmoins, ils se retrouvent en montagne l’hiver suivant, notamment pour réaliser un aller-retour de légende en Oisans sur l’alors très peu fréquentée 8 |