Escalade Mag n°55 février 2013
Escalade Mag n°55 février 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°55 de février 2013

  • Périodicité : bimestriel

  • Editeur : Press'Evasion

  • Format : (170 x 240) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,5 Mo

  • Dans ce numéro : hommage à Patrick Edlinger.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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Texte D. Chambre Photos F. Ferreira Edlinger – Berhault : Les 2 Patrick, amis et frères Quand ils se rencontrent à Nice pour la première fois en 1977, Patrick Berhault a vingt ans et Patrick Edlinger dix-sept. Comme le soulignera ce dernier trente ans plus tard : « On avait la même vision de la vie, on avait fait les mêmes choix ». Ensemble, ils libèrent les voies du sud de la France, notamment dans les gorges du Verdon, gravissent les parois alpines à toute vitesse pour, à peine redescendus dans la vallée, enchaîner sur des séries de pompes et tractions. Le mantra est simple : pas un jour sans entraînement. Surmontant un dénuement matériel qui confère une aura nostalgique à cette période, ils « empruntent » une voiture pour rejoindre les sommets, dorment l’hiver dans des caves glacées en guise d’hôtel et pratiquent avec dextérité l’art de la fauche dans les supermarchés pour se nourrir ! Mais tout leur est pardonné tellement la passion et l’audace de la jeunesse transpirent de leurs frasques. L’été 1979 marque l’explosion médiatique de l’aîné Berhault. Dans un blitz stupéfiant il enchaîne dans les Ecrins et le Mont-Blanc une série de solos express dans les grandes voies alpines les plus emblématiques et prestigieuses : faces nord du pic sans Nom, des Droites ou encore couloir nord des Drus. On le sent déjà parti vers une trajectoire plus alpine alors que son comparse est avant tout un passionné du rocher. La presse spécialisée d’alors titre « Une étoile est née ». Berhault a lu et relu Reinhold Messner : si ce dernier a inauguré l’alpinisme « light », alors le niçois aura inventé celui « ultralight » dans lequel s’engouffreront ensuite Benoit Grison, Christophe Profit et Eric Escoffier. et austère voie des Plaques en face nord de l’Ailefroide Occidentale : plus de mille mètres de pentes de glace entrecoupées d’un sinistre ressaut rocheux. Le tout est bouclé en 23 heures d’Ailefroide à Ailefroide. Compte-tenu de la longueur de l’approche en hiver, on s’imagine que les procédures d’assurage et de relais devaient être réduites à leur plus simple expression ! Profitant de sa notoriété nouvelle, Patrick Berhault est invité l’été suivant en Himalaya par Yannick Seigneur, alpiniste et himalayiste majeur des deux décennies précédentes. L’objectif est lui aussi d’ampleur : le versant Rupal du Nanga Parbat (8125m), considéré comme le plus haut du monde avec 4500m, celui là même vaincu dix ans auparavant par Messner au prix de la vie de son frère. Malheureusement, trop fougueux et inexpérimenté à la très haute-altitude, il est rapidement victime du mal des montagnes et doit être évacué en urgence. Pendant ce temps-là, Patrick Edlinger fréquente encore les montagnes, notamment en Oisans où il réalise aussi quelques enchaînements solitaires comme au Pelvoux (pente centrale puis couloir Chaud). Mais son attention va rapidement revenir sur les falaises calcaires ensoleillées du sud. Même si leur vie commune est terminée, ils vont bien évidemment rester en contact et la presse reforme parfois leur cordée emblématique. En incarnant La Vie au bout des doigts, le Toulonnais accède en un temps record à une renommée mondiale qui va largement dépasser celle de son aîné, confinée à un public spécialisé. En 1985, alors que l’escalade continue sa médiatisation, son développement sportif, c’est aussi l’apparition des premières compétitions. Edlinger ne les refuse pas et enfonce le clou en Italie : mis en difficulté à Arco, il remporte celle de Bardonecchia ainsi que le titre combiné. À l’inverse, Berhault, en « On avait la même vision de la vie, on avait fait les mêmes choix » Néanmoins, ils se retrouvent en montagne l’hiver suivant, notamment pour réaliser un aller-retour de légende en Oisans sur l’alors très peu fréquentée 8
signant le Manifeste des 19 et en étant l’un des rares à s’y tenir, marque sa philosophie différente : il va s’investir dans la danse-escalade puis dans un retour à la terre assez inattendu ; il redevient quelque temps paysan dans son Auvergne natale. Au début des années 2000, c’est pourtant lui qui bénéficie sur le tard d’une large médiatisation alors qu’Edlinger a cédé le pas aux nouvelles générations. Il se lance dans un nouveau concept : le voyage alpin qui consiste à enchaîner au fil des massifs sommets ou parois selon un thème pré-établi. D’août 2000 à février 2001, il va ainsi traverser l’arc alpin au fil des voies les plus prestigieuses. Pour commencer son voyage, il choisit de reformer la cordée de sa jeunesse avec son « frère ». Du Triglav slovène à la traversée des Dolomites, les deux quadragénaires enchaînent les voies les plus prestigieuses (Cima Ovest, Cima Grande, Civetta, Marmolada et sa redoutée Voie du Poisson, Crozzon di Brenta) comme des cabris, faisant toutes les jonctions à pied même sous la pluie battante. Cette association semble faire revivre Patrick Edlinger : « On s’est retrouvé exactement comme si on s’était quitté la veille, les mêmes discussions, les mêmes automatismes ». Berhault y voit « une envie de repartager des choses ensemble, tout simplement une histoire d’amitié » et en pleine paroi il laisse s’échapper cette réflexion aujourd’hui si prémonitoire : « Ne laissons pas s’échapper le temps, il est si précieux » … Le 28 avril 2004, sur les pentes du Täschorn en Suisse, c’est le drame. Probablement trop pressé d’en finir avec son nouveau voyage, l’enchaînement de tous les 4000 des Alpes, Patrick Berhault rompt une corniche et disparaît brutalement. Son ami est évidemment effondré et durablement marqué par cette perte cruelle : « C’était mon double, j’étais son double. C’est le frère que je n’ai pas eu ». Ainsi les deux Patrick sont rentrés dans la légende, deux individualités d’exception qui formèrent aussi la cordée la plus soudée qu’on puisse imaginer. On espère tous qu’ils sont désormais de nouveau réunis là-haut. Les 2 Patrick dans une grande classique du Verdon, Les Rideaux de Gwendal au niveau du relais du bloc coincé



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