4-030_ÉTONNANT_MAG_1_Mise Nature en page 1 04/03/14 09:56 Page3 n a t u r e toujours nécessaire pour stocker un liquide : des feuilles encerclant et enveloppant la base de la tige peuvent jouer ce rôle. Ce cas de figure se rencontre chez une cousine de l’ananas, Brocchinia reducta, une broméliacée terrestre poussant sur les sols acides et pauvres des savanes du Venezuela. Ses longues feuilles en gouttières, serrées les unes contre les autres, délimitent des tubes profonds dans lesquels s’accumule l’eau de pluie. La face interne de ces feuilles est tapissée d’écailles cireuses qui reflètent les rayons ultra-violets. Ces rayonnements, associés à l’odeur sucrée diffusée par la plante, attirent des insectes qui > Nepenthes Lowii est une plante grimpante qui peut atteindre 10 m de long dans la nature. Les urnes supérieures sont d'une forme très caractéristique : enflée à la base, se rétrécissant au milieu et particulièrement large au niveau du péristome. La taille des pièges dépasse parfois les 25 cm de haut pour 10 cm de large. D.R. > La forme particulière du piège en fait une plante rare et recherchée. D.R. > Une muse pour les auteurs < se retrouvent vite « coincés » entre les rosettes foliaires. Glissant sur les parois, ils tombent et se noient dans le liquide accumulé au fond du piège végétal. Des poils sécrètent ensuite des enzymes permettant la digestion des cadavres. Parmi les feuilles transformées en pièges passifs se trouve un cas à part, représenté par le genre Genlisea. Il comporte une vingtaine d’espèces, toutes carnivores, réparties sur la zone tropicale des continents africain et américain. Poussant dans des terrains pauvres en nutriments, les Genliseaont adopté la solution « pêche à la nasse » pour compenser le déficit en azote. Sous une rosette de feuilles insignifiantes, à la place de racines, se développe une chevelure de > Drosera capensis est l’une des deux plantes carnivores les plus communes (avec la dionée) car on la trouve facilement en jardinerie. D.R. limentée à la fois par des récits fantasques d’écrivains débordant d’imagination et par les travaux a rigoureux de naturalistes éminents, la fascination pour les plantes carnivores culmine dans la culture populaire dans la deuxième moitié du XIX e siècle. On frémit d’horreur au récit de ces monstres venus de pays lointains, dépeints avec emphase comme des « femmes fatales végétales », et capables, selon certains, de se nourrir non seulement d’insectes et de petits animaux, mais également d’aventuriers imprudents. Ainsi, CarlLiche, explorateur allemand n’ayant probablement jamais existé, décrit-il dans un ouvrage daté de 1881 le sacrifice d’une jeune femme offerte par une tribu malgache à un arbre cannibale. En 1887, dans son livre Sea and Land, J. W. Buel (écrivain bien réel lui) relate, avec toutefois quelques doutes, ce qui lui a été raconté sur le Ya-Te-Veo, autre terrible arbre mangeur d’hommes d’Afrique centrale… Mais après tout, pourquoi pas ? Les explorateurs rapportaient de leurs expéditions bien d’autres récits fabuleux, dont certains, comme les extraordinaires ruines des civilisations mayas ou les grands singes anthropomorphes, se sont révélés réels. Et si, au cours du XX e siècle, l’engouement pour la carnivorité végétale s’est quelque peu émoussé, il n’a jamais complètement disparu. De nombreuses œuvres de fiction populaire mettent en scène des plantes carnivores, depuis le kitchissime film La Petite boutique des horreurs, jusqu’au très gothique Harry Potter, en passant par le livre L’Histoire de Pi et jusqu’à Super Mario, le personnage de jeu vidéo le plus célèbre de la planète. n 20 Question-pratique ? Étonnant -26 - Janvier/Février 2014 > Brocchinia reducta est une espèce de plante carnivore tropicale que l’on rencontre dans quelques lieux du Venezuela. C’est en l'honneur du naturaliste italien G. Brocchi qu’en 1830 J.H. Schultes attribue ce nom à cette plante. |