Le Bonheur est en vous vie à la considération de ce monde est une chose stupide, car il n’en tient aucun compte. » Le suicide qui a pour but d’échapper à la honte d’une mauvaise action est-il aussi répréhensible que celui qui est causé par le désespoir ? « Le suicide n’efface pas la faute, au contraire, il y en a deux au lieu d’une. Quand on a eu le courage de faire le mal, il faut avoir celui d’en subir les conséquences. Dieu juge, et selon la cause peut quelquefois diminuer ses rigueurs. » Le suicide est-il excusable lorsqu’il a pour but d’empêcher la honte de rejaillir sur les enfants ou la famille ? « Celui qui agit ainsi ne fait pas bien, mais il le croit, et Dieu lui en tient compte, car c’est une expiation qu’il s’impose lui-même. Il atténue sa faute par l’intention, mais il n’en commet pas moins une faute. Du reste, abolissez les abus de votre société et vos préjugés, et vous n’aurez plus de ces suicides. » Celui qui s’ôte la vie pour échapper à la honte d’une mauvaise action, prouve qu’il tient plus à l’estime des hommes qu’à celle de Dieu, car il va rentrer dans la vie spirituelle chargé de ses iniquités, et il s’est ôté les moyens de les réparer pendant Le suicide qui a pour but d’échapper à la honte d’une mauvaise action est-il aussi répréhensible que celui qui est causé par le désespoir ? la vie. Dieu est souvent moins inexorable que les hommes ; il pardonne au repentir sincère et nous tient compte de la réparation ; le suicide ne répare rien. Que penser de celui qui s’ôte la vie dans l’espoir d’arriver plus tôt à une meilleure ? « Autre folie ! qu’il fasse le bien et il sera plus 74 Philosophie pratique sûr d’y arriver ; car il retarde son entrée dans un monde meilleur, et lui-même demandera à venir finir cette vie qu’il a tranchée par une fausse idée. Une faute, quelle qu’elle soit, n’ouvre jamais le sanctuaire des élus. » Le sacrifice de sa vie n’est-il pas quelquefois méritoire quand il a pour but de sauver celle d’autrui ou d’être utile à ses semblables ? « Cela est sublime, selon l’intention, et le sacrifice de sa vie n’est pas un suicide ; mais Dieu s’oppose à un sacrifice inutile et ne peut le voir avec plaisir s’il est terni par l’orgueil. Un sacrifice n’est méritoire que par le désintéressement, et celui qui l’accomplit a quelquefois une arrière-pensée qui en diminue la valeur aux yeux de Dieu. » Tout sacrifice fait aux dépens de son propre bonheur est un acte souverainement méritoire aux yeux de Dieu, car c’est la pratique de la loi de charité. Or, la vie étant le bien terrestre auquel l’homme attache le plus de prix, celui qui y renonce pour le bien de ses semblables ne commet point un attentat : c’est un sacrifice qu’il accomplit. Mais avant de l’accomplir, il doit réfléchir si sa vie ne peut pas être plus utile que sa mort. L’homme qui périt victime de l’abus de passions qu’il sait devoir hâter sa fin, mais auxquelles il n’a plus le pouvoir de résister, parce que l’habitude en a fait de véritables besoins physiques, commet-il un suicide ? « C’est un suicide moral. Ne comprenez-vous pas que l’homme est doublement coupable dans ce cas ? Il y a chez lui défaut de courage et bestialité, et de plus oubli de Dieu. » – Est-il plus ou moins coupable que celui qui s’ôte la vie par désespoir ? « Il est plus coupable, parce qu’il a le temps de raisonner son suicide ; chez celui qui le fait instantanément, il y a quelquefois une sorte d’égarement qui tient de la folie ; l’autre sera beaucoup plus puni, car les peines sont toujours proportionnées à la conscience que l’on a des fautes commises. » |