Le Bonheur est en vous égoïste avec art ; on a appelé cela sagesse, raison, philosophie : et, en fin de compte, on a été forcé d’avouer que le bonheur n’était pas fait pour l’homme. II. Le mal est nécessaire Voilà donc un premier point bien constaté : c’est que le bonheur n’est, comme nous l’avons dit en commençant, qu’une sorte de mirage moral qui nous égarerai incontestablement, et nous ferait marcher de déception en déception, si nous ne prenions notre parti de ne pas y croire. Si le bonheur n’existe pas, le commencement de toute sagesse est de ne pas croire au bonheur. Un second pas dans la sagesse, ce serait, ce nous semble de faire ce sacrifice avec courage et résolution. Et c’est à quoi la réflexion nous conduit ; car il est facile de se convaincre que le 60 Philosophie pratique mal est nécessaire, et que, dans l’état actuel de nos manifestations, le mal est la condition même de notre personnalité et de notre existence. En effet, nous ne pouvons être qu’à la condition d’être en rapport soit avec le monde extérieur, soit avec les idées internes que nous nous sommes faites à nous-mêmes, et qui d’ailleurs ont leur source dans nos précédents rapports avec ce monde. Prenons d’abord le premier mode d’existence. Lorsque le rapport avec le monde extérieur nous est agréable, nous l’appelons plaisir ; mais cet état passager n’est pas le bonheur. Nous entendons par bonheur un état qui serait tel que nous en désirerions la durée sans changement. Or voyons ce qui arriverait si un tel état était possible. Pour qu’il le fût absolument, il faudrait que le monde extérieur s’arrêtât et s’immobilisât. |