Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 56 - 57  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
56 57
Le Bonheur est en vous PIERRE LEROUX (1797-1871) PHILOSOPHIE DU BONHEUR IN LA REVUE DES DEUX MONDES I. Le bonheur absolu n’existe pas Depuis Job jusqu’aux poètes de notre temps, que d’avis solennels sur la tristesse de la condition de l’homme ! Salomon, après avoir éprouvé toutes les félicités, conclut que tout est vanité et mensonge Risum reputavi errorem, et gaudio dixi : Quid frustra deciperis ? Pindare appelle la vie de l’homme le rêve d’une ombre ; et Shakspeare a dit : « Le bonheur, c’est de n’être pas né. » 56 Philosophie pratique S’il nous plaisait de faire ici un long recensement des témoignages du passé, nous verrions les philosophes et les poètes tous d’accord en cette vérité, que le bonheur est une chimère ; nous les ferions tous apparaître, et tous, le front triste, confesseraient que le bonheur n’est, à le bien prendre, qu’une apparence trompeuse, et, s’il est permis de parler ainsi, un mirage moral qui égarera toujours ceux qui penseront y rencontrer de la réalité. Parmi les philosophes, Épicure luimême soutenait que nos plus grands consentements ont leur siège dans la mémoire, et qu’ils
dépendent uniquement du souvenir des choses passées. Quant aux poètes, les plus heureux en apparence, les plus charmés du séjour de la terre ont, au milieu de leurs joies, des accents d’une profonde mélancolie qui trahissent le secret de leur âme. Anacréon trouve la cigale plus heureuse que l’homme ; et Horace répète sur tous les tons que la vie est courte et fugitive « Linquenda tellus, et domus, etuxor. » Ce même Horace commence ses Satires par reprocher aux hommes qu’aucun d’eux n’est content de son sort : « Qui fit, Maecenas, ut nemo quam sibi sortem Seu ratio dederit, seu fors objecerit, illa Contentus vivat, laudet diversa sequentes. » Ainsi, suivant lui, nul n’est heureux ; car si d’un côté le vulgaire se rend inévitablement malheureux par sa faute, d’un autre côté le sage est condamné à avoir continuellement les yeux sur la fragilité de toute chose, et à savourer, pour ainsi dire, la mort, afin d’apprendre à goûter et à tolérer la vie. Nous retrouvons chez les modernes, comme chez les anciens, le même consentement pour attester que le bonheur n’est qu’une idée sans réalité. Combien de fois Voltaire n’a-t-il pas écrit, sous toutes les formes : « Bonheur, chimère. Si on donne le nom de bonheur à quelques plaisirs répandus dans cette vie, il y a du bonheur en effet ; mais si par là on entend autre chose, le bonheur n’est pas fait pour ce gobe terraqué : cherchez ailleurs. » Cette question et tous les problèmes qui s’y rapportent venaient le troubler au milieu de ses attaques contre le christianisme. Il avait beau faire, le malheur de la condition humaine se retrouvait toujours devant lui. « Il serait bien plus important, s’écrie-t-il, de découvrir un remède à nos maux ; mais il n’y en a point, et nous sommes réduits à rechercher tristement leur origine. » Bolingbroke et Pope avaient prétendu échapper à la théologie, en établissant que l’ordre de la Nature est parfait en lui-même, que la Philosophie du Bonheur condition de l’homme est ce qu’elle doit être, qu’il jouit de la seule mesure de bonheur dont son être soit susceptible. Voltaire ne put se tenir à ce système ; il écrivait Candide, il écrivit son Poème sur Lisbonne, il écrivit vingt autres ouvrages contre l’axiome que tout est bien : « Ô malheureux mortels, ô terre déplorable ! Ô de tous les fléaux assemblage effroyable ! D’inutiles douleurs éternel entretien ! etc. » Les maux de l’humanité (et ceci est peut-être sa plus grande gloire) le frappaient et le désolaient à tel point, qu’il aimait mieux parfois être inconséquent et paraître retourner à la révélation, que de les nier. « Il avoue, dit-il, avec toute la terre, qu’il y a du mal sur la terre ; il avoue qu’aucun philosophe n’a pu jamais expliquer l’origine du mal ; il avoue que Bayle, le plus grand dialecticien qui ait jamais écrit, n’a fait qu’apprendre à douter, et qu’il se combat lui-même ; il avoue qu’il y a amant de faiblesses dans les lumières de l’homme que de misères dans sa vie. Il dit que la révélation seule peut dénouer ce grand nœud, que tous les philosophes ont embrouillé ; il dit que l’espérance d’un développement de notre être dans un nouvel ordre de choses peut seule consoler des malheurs présents, « Apprenons, dit-il, combien il est dangereux d’être homme, et comptons tous les malheurs dont nous sommes exempts pour autant de périls dont nous sommes échappés. » et que la bonté de la Providence est le seul asile auquel l’homme puisse recourir dans les ténèbres de sa raison et dans les calamités de sa nature faible et mortelle. » Avant Voltaire, Fontanelle, à l’entrée du dix-hui- Philosophie pratique 57



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :


Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 1Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 2-3Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 4-5Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 6-7Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 8-9Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 10-11Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 12-13Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 14-15Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 16-17Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 18-19Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 20-21Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 22-23Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 24-25Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 26-27Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 28-29Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 30-31Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 32-33Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 34-35Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 36-37Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 38-39Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 40-41Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 42-43Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 44-45Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 46-47Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 48-49Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 50-51Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 52-53Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 54-55Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 56-57Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 58-59Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 60-61Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 62-63Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 64-65Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 66-67Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 68-69Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 70-71Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 72-73Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 74-75Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 76-77Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 78-79Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 80-81Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 82-83Philosophie pratique numéro 3 jui/aoû/sep 2010 Page 84