Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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Le Bonheur est en vous Être de désir et de raison, l’homme libre bénéficie de la force intérieure, n’est pas en conflit avec autrui, et fait montre de générosité et de fermeté. Quelles sont les causes qui animent nos actions ? Première cause, l’imagination qui joue un rôle prépondérant dans notre course aux biens désirés, exerçant sur nous une action coercitive, nous menant à confondre l’objet de notre désir avec notre désir de l’objet. Pour comprendre la mécanique de la servitude, laissons la parole à R. Misrahi : « C’est cette imagination qui, le plus souvent, produit les buts désirés, c’est-à-dire les biens et les valeurs que l’individu croit connaître et découvrir alors qu’il les invente confusément sans savoir qu’il le fait et donc sans savoir ni pourquoi ni comment il le fait(36). » Cette part-là de l’imagination, affective et passive, introduit alors les illusions trompeuses : richesse, gloire, honneurs, plaisirs qui sont de « faux biens » n’ayant aucune valeur objective, mais qui asservissent l’homme et le soumettent à la douleur et à la tristesse. Ça n’est donc plus le corps qui est source de souffrance pour l’âme, mais l’esprit, et précisément, l’imagination qui, étant source de « connaissances inadéquates », inspire des « actions inadéquates ». Nous savons que Spinoza n’implique pas la volonté. C’est l’imagination qui est ici en cause. Elle nous pousse à confondre réalité et imaginaire. Elle pousse l’esprit à désirer des biens imaginaires. Il convient donc d’établir une éthique qui repositionne fondamentalement les notions de Bien et de Mal, en séparant ce qui est bon, pour le déploiement de la puissance de l’individu, et ce qui ne l’est pas. Il s’agit donc selon Spinoza de combattre la vie passionnelle, non parce qu’elle serait pécheresse, mais parce qu’elle serait aveugle, douloureuse, et asservissante. 42 Philosophie pratique § 4. L’individu libéré Après avoir réformé l’idée cartésienne et stoïcienne d’une pseudo-volonté, Spinoza a montré que lutter contre les passions n’implique ni la volonté ni la connaissance du Bien et Mal, mais le Désir qui est le moteur même de la « libération », car il est son énergie. Entendant instaurer la liberté plus que le Bien, Spinoza fait intervenir la connaissance qui, par le Désir, permet d’échapper à la passivité. Or, la passivité est, nous le savons, ce qui constitue la servitude. Or, la connaissance est capable de transformer les affects passifs en affects actifs, c’est-à-dire les passions en actions. Mais il faut encore pour Spinoza établir la possibilité de la connaissance. Il va, pour ce faire, recourir à sa théorie de l’affectivité, c’est-à-dire des affects. En d’autres termes, qu’ils soient actifs ou passifs, actions ou passions, toujours l’affect est un contenu de conscience, et ce, même s’il demeure relié au corps. Tâchons de préciser ce point délicat : nous avons vu que l’essence de l’homme était Désir, c’est-à-dire conatus, effort pour persévérer dans son être. La connaissance libératrice est alors le passage de la conscience à la connaissance. L’esprit pouvant se prendre pour objet de connaissance permet ce passage de la conscience à la connaissance. Et c’est l’examen qui permettra le passage de la conscience inadéquate et trompeuse à la connaissance adéquate. Par cette connaissance réflexive, « un Désir de joie se transforme en Désir de liberté, et se réalise […] comme liberté et comme joie(37) ». Que devons-nous alors retenir ? La vie de l’homme libre « est la conséquence directe d’une doctrine de l’homme comme unité, comme désir, et comme réflexion(38) ». Ça n’est plus le puritanisme ou l’autorité qui régulent les comportements de l’homme, mais l’unité des puissances du corps et de celles de l’esprit, qui leur permet un accroissement équilibré et réfléchi. Être de désir et de raison, l’homme libre bénéficie de la force intérieure, n’est pas en conflit avec autrui, et fait montre de générosité et de fermeté. L’homme libre est donc épris de joie vitale,
Entre corps et âme, la conception de l’individu chez Spinoza se préoccupant à la fois de la joie d’autrui et de la sienne propre, et fuit la mortification du néant. Conclusion : de la joie à la béatitude Il nous faut à présent conclure avec R. Misrahi. Chez Spinoza la doctrine de l’unité humaine et de l’homme comme Désir justifie la morale de la liberté et de la joie. La morale spinoziste est une morale de la joie véritable. Qu’est-ce à dire ? Cette morale de la joie est la conséquence directe de l’unité du corps et de l’esprit dans la doctrine de Spinoza. Si l’on prend en compte le rôle fondamental du Désir, nous pouvons comprendre alors, que l’esprit ne se distingue plus du corps par sa raison, et le corps de l’esprit par le Désir, puisqu’ils sont à présent tous deux dans le corps et l’esprit à la fois. En conclusion, R. Misrahi revient sur l’aspect novateur du rôle de la réflexion. Tâchons de comprendre. Ayant avec la raison une fonction fondatrice dans l’éthique spinoziste, la réflexion permet la connaissance réflexive et donc la plus haute joie puisque, par elle, la liberté s’instaure et le « Désir accède enfin à son être propre(39) », et une joie permanente est possible. Nous pouvons alors comprendre l’aspect fondamental de cette doctrine de l’unité du corps et de l’esprit, de la place à présent réhabilité du corps dans la doctrine de Spinoza, et en philosophie, et comment, Spinoza à présent parvient, par la doctrine de l’Amour intellectuel de Dieu, a renforcer en l’individu, la possibilité de Béatitude, de félicité, et de liberté grâce à la connaissance adéquate.• (1) à (3) R. Misrahi, Le corps et l’esprit dans la philosophie de Spinoza, Le Plessis-Robinson, Les empêcheurs de penser en rond, 1992, 1998. (4) Afin de mieux comprendre les enjeux et problématiques qui opposent les deux écoles, nous renvoyons aux dialogues entre le neuroscientifique J.-P. Changeux et le phénoménologue P.Ricœur in J.-P. Changeux et P.Ricœur, La nature et la règle, Paris, Odile Jacob, 1998. (5) J.-P. Changeux, L’homme neuronal, Paris, Fayard, 1983. (6) à (9) R. Misrahi, op. cit. (10) R. Misrahi, op. cit. (11) René Descartes, Méditations Métaphysiques, cité par R. Misrahi, op. cit. (12) à (13) R. Misrahi, op. cit. (14) R. Misrahi, op. cit. (15) G. Deleuze, Spinoza. Philosophie pratique, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Reprise », 1981/2003. (16) à (19) R. Misrahi, op. cit. (20 et 21) R. Misrahi, op. cit. (22) F. Alquié, Leçons sur Spinoza, Paris, La Table Ronde, coll. « Le Petit Vermillon », 2003. (23) R. Misrahi, op. cit. (24) et (25) G. Deleuze, op. cit. (26) R. Misrahi, op. cit. (27) Voir F. Alquié, op. cit. (28) R. Misrahi, op. cit. (29 et 30) R. Misrahi, op. cit. (31) Spinoza, Éthique III, cité par R. Misrahi, op. cit. (32) R. Misrahi, op. cit. (29 et 30) R. Misrahi, op. cit. (31) Spinoza, Éthique III, cité par R. Misrahi, op. cit. (32) R. Misrahi, op. cit. (33) G. Deleuze, op. cit. (34) R. Misrahi, op. cit. (35 et 36) R. Misrahi, op. cit. (37 et 38) R. Misrahi, op. cit. (37) R. Misrahi, op. cit. Philosophie pratique 43



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