Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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Le Bonheur est en vous synthèse de mouvement et de repos, ce qui fait que la conscience étant à la fois unité et dynamisme, nous pouvons parler, derrière R. Misrahi d’« Individu-corps », au sens où l’unification du corps et de l’esprit se fait par la conscience. Nous voyons donc que Spinoza n’instaure aucun rapport de supériorité de l’esprit sur le corps. Ou inversement. La doctrine de Spinoza précise que la conscience est le lieu de la connaissance du corps par l’esprit. Les idées sont produites par l’esprit, et les mouvements par le corps. La thèse du parallélisme est ici la plus éclairante. Le corps n’est alors pas conscience de ses affections, mais l’esprit l’est pour le corps. On ne peut pour autant dire qu’il y a dans la doctrine spinoziste une supériorité de l’esprit sur le corps. Certes, les affections sont dans la conscience, mais cela ne veut pour autant dire que l’esprit en a des idées adéquates, c’est-à-dire une connaissance claire et globale. D’où un problème important que R. Misrahi soulève par ailleurs : « Comment passe-t-on de la conscience des affections du corps à la connaissance vraie de ces affections ? Comment est-ce possible ? » La réponse de Spinoza sera de nous convier au passage à trois niveaux réflexifs : – le premier niveau de la conscience s’en tient au corps et ses affections, – le deuxième niveau qui un renouvellement nous invite à réfléchir sur c’est-à-dire avoir un niveau de connaissance du contenu de la conscience, « Comment passe-t-on de la conscience des affections du corps à la connaissance vraie de ces affections ? Comment est-ce possible ? » – le troisième niveau requiert avant tout une nouvelle démarche méthodologique, c’est-àdire non seulement saisir réflexivement le contenu de chaque idée, mais aussi l’intégrer dans « un travail de comparaison et de systématisation » afin « de dégager une vérité, un 40 Philosophie pratique sens, et non plus seulement une suite de données isolées et discontinues(29) ». La compréhension du corps ne se fait donc pas à partir de la conscience du corps, mais à partir de la réflexion sur cette conscience, nous dit R. Misrahi. § 2. L’individu désirant Nous pouvons à présent comprendre le rôle fondamental du corps dans la doctrine spinoziste. L’« esprit humain » est cette conscience de soi rendue possible grâce à notre conscience du corps et de ses affections. C’est donc l’aspect immédiatement dynamique qui définit l’individu. Pourquoi ? Parce-que c’est dans un mouvement temporel que l’on situe la conscience du corps et de sa vie de l’individu, c’est-à-dire dans l’effort à persévérer dans l’être (conatus). Cet effort pour exister qui est l’essence concrète de la réalité humaine assoit la place du corps dans l’unité spinoziste, puisque la conscience, qui ne saurait être seulement statique et représentative, devient conscience de cet effort dynamique d’exister, et donc des modifications du corps. « C’est dire, écrit R. Misrahi, que, pour Spinoza, nous sommes toujours conscients de notre effort pour exister, quel que soit par ailleurs le niveau de connaissance et de lucidité où nous nous situons(30). » Or, si l’existence de l’homme est conatus, force d’exister, son essence, qui est l’énergie la plus concrète, nous amène à la rencontre du Désir. Concrètement, le Désir est l’essence de l’homme(31). Or, le Désir n’est pas abstrait, mais mouvement concret. C’est-à-dire un mouvement concret d’accroissement ou de réduction. Il est soit accroissement de la puissance d’exister qui est la Joie, soit diminution de la puissance d’exister qui est donc la Tristesse. De ce parallélisme ou synchronisme entre le corps et l’esprit, on peut désormais percevoir une réhabilitation des passions. Jusqu’ici l’on avait coutume de dire que lorsque le corps agissait, l’âme pâtissait. À présent, « chacune des puissances d’exister (celle du corps, celle de l’esprit) est l’expression, dans son langage et son domaine d’une seule puissance d’exister qui est celle du conatus et du Désir(32). » En repositionnant le
Entre corps et âme, la conception de l’individu chez Spinoza corps, en attribuant une identité ontologique du corps et de l’esprit sans accorder aucune supériorité à l’un sur l’autre et inversement, Spinoza réhabilite le corps, et met un terme à la critique qui, de Platon à Kant, consistait à dire que le corps était une sorte de « tombeau de l’âme ». Nous verrons plus bas en quoi cette approche neuve du corps et des passions fonde une nouvelle éthique. Tâchons d’achever ce paragraphe par cette idée-phare dans la doctrine de Spinoza : il y a une interaction d’accroissement entre l’esprit et la puissance du corps, car le Désir en l’homme est le dynamisme d’accroissement de la puissance. § 3. L’individu passionné Qu’est-ce que la passion ? Voici le grand problème qui se pose à présent à nous. Car si nous avons montré comment Spinoza réhabilitait cette dernière, posant la Joie comme la finalité de toute action humaine animée par le conatus donc la puissance d’agir et de persévérer dans son être, nous n’en avons pour autant fini avec son rôle et la critique qui court depuis Platon et qui la méprise. Dans son glossaire, G. Deleuze fait cette remarque importante : « l’affection (affectio) se disait directement du corps, tandis que l’affect (affectus) se rapportait à l’esprit(33) ». Jusqu’ici les affections du corps, comme le corps luimême, suscitaient la méfiance et l’hostilité, à la différence des affects que l’on devait privilégier. On associait au corps et ses affections les notions morales de « vices », « perversions », « dysfonctionnement », encourageant les hommes à les combattre, en adoptant des actions morales. Mais, en ayant recours à une « compréhension gnoséologique » et non plus morale, l’interprétation spinoziste introduit notre rapport aux passions à la fois suivant une compréhension par la raison, et par l’objectivité et la subjectivité. Essayons de comprendre. Ce qui caractérise concrètement la passion, ce sont la servitude et la souffrance. En faisant de la passion, non plus « une simple modalité de la connaissance [mais] essentiellement une modalité du Désir(34) », il apporte une modification importante à la passion qui, jusque-là, était comprise comme une action essentiellement passive. Par le conatus, la passion peut conduire à la passivité de la Tristesse, ou à l’activité de la Joie. Une fois cette distinction fondamentale qu’il intègre dans la notion de passion, qu’il réhabilite et refonde, il oppose On a coutume de dire, à juste titre, que Spinoza conteste à l’homme toute forme de liberté ou de libre-arbitre. Il faut en réalité voir la place de la liberté de façon plus subtile, car elle conserve un rôle fondamental dans la réalité humaine. à la servitude, jusqu’ici associée à la passion, la liberté. On a coutume de dire, à juste titre, que Spinoza conteste à l’homme toute forme de liberté ou de libre-arbitre. Il faut en réalité voir la place de la liberté de façon plus subtile, car elle conserve un rôle fondamental dans la réalité humaine. La liberté est constituée pour l’individu quand son action est conforme aux idées adéquates. Ce qui fait dire à R. Misrahi que « le vrai nom de la liberté spinoziste est l’action adéquate, c’est-à-dire l’action autonome et personnelle, même si ces deux termes n’existent pas littéralement chez Spinoza(35) ». Cette conception nouvelle de la liberté nous permet de mieux comprendre en quoi la conception de servitude selon Spinoza est moderne. La servitude résulte d’une modalité de l’action produite de l’extérieur. Si donc l’action est adéquate, c’est-à-dire produite de l’intérieur, selon une connaissance adéquate des causes de notre action, nous pouvons alors réaliser notre sortie hors de la servitude, sans pour autant condamner toutes les passions qui ne sont pas, rappelons-le, affects passifs. Afin de mieux saisir cette part innovante de Spinoza, il nous faut d’ors et déjà en appeler à d’autres notions qui sont l’imagination, l’ignorance, et l’illusion dans la problématique du Désir et du corps. Que désirons-nous quand nous désirons ? Philosophie pratique 41



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