Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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Le Bonheur est en vous MÉLANCOLIE ET SUPÉRIORITÉ DE L’ESPRIT 4 Philosophie pratique PAR CLAIRE FERCAK La mélancolie est une notion vaste et largement évoquée dans divers domaines tels que la littérature ou la médecine. Dans La vie et l’art d’Albrecht Dürer, Panofsky insiste sur le fait qu’elle était considérée comme une maladie effrayante, dévaluée dans les manuels de médecine avant la gravure sur cuivre Melencolia I de Dürer qui devient la représentation de la génialité mélancolique. La mélancolie n’est alors plus perçue comme un état dépressif, morose et pesant ; elle est au contraire l'énergie du génie profane dans les mondes rationnels et puissances imaginatives, par la supériorité d’une sensibilité particulière aux êtres et aux choses, dans l’art, les sciences et la philosophie. Cet état fragile et clairvoyant avait été étudié bien avant par Aristote qui faisait le lien entre la puissance mélancolique et l’homme de génie dans ses Problèmes. Cette notion où philosophie et médecine se rencontrent engage la relation âme/corps, le rapport à autrui, à la société et a été traitée par grand nombre d’auteurs (médecins, philosophes, poètes, psychanalystes). Nous avons choisi de l’étudier à travers deux ouvrages qui nous semblent importants dans l’évolution de la considération philosophique portée à la mélancolie comme puissance créative et contemplative : le Problème XXX d’Aristote qui a donné lieu à de nombreuses discussions sur le caractère positif de cette humeur considérée comme pathologique, et le traité des symptômes et thérapeutiques du caractère saturnien La Triple Vie de Marsile Ficin (1433-1499), un des premiers à donner à la théorie aristotélicienne une tournure astrologique, faisant de la Renaissance italienne du XVe siècle la première époque qui saisit toute la portée et le sens du Problème XXX afin de le discuter, et l’investir de sens nouveaux. Des textes fondateurs L’humanisme italien réaffirma un idéal né dans l’Antiquité classique où la mélancolie marque le lien entre une physique ou une physiologie et l’état de la pensée. Les textes, pourtant anciens que nous allons étudier, sont à l’origine de la conception moderne de la notion de génie qui oscille entre exaltation et dépression. On oppose généralement en philosophie les émotions, passions instables et l’élévation de l’esprit. C’est pourquoi nous allons essayer de rendre compte du paradoxe soulevé par l’association de la mélancolie qui peut se rapprocher de la folie sous bien des effets et produire de nombreuses maladies, et la puissance de l’esprit de l’homme de génie. En effet, comment d’une telle inconstance mélancolique peut naître un discours cohérent et éclairé sur l’être ? Nous essaierons donc de déterminer le lien entre connaissance et affectivité, c’est-
à-dire de préciser quelle peut-être l’influence des sens, du corps sur notre puissance de raisonnement et de connaissance, et réciproquement. Autrement dit, il s’agit de se demander s’il existe une affectivité spécifique par laquelle nous serions disposés à connaître, celle-ci ayant une dimension dynamique, capacité de mise en mouvement de la puissance de penser et d’agir et si la mélancolie n’est pas la preuve qu’il est possible de dépasser l’opposition simple entre sensibilité et entendement, âme et corps. Les textes auxquels nous allons faire référence sont très différents l’un de l’autre. L’Homme de génie et la mélancolie semble jeune, moderne, vif, fondé sur une réflexion rapide et dense ; ce qui augmente sa difficulté de compréhension. En effet, le style est elliptique, les arguments sont des exemples (fondés sur Platon, Lysandre, Ajax, Bélophon, etc.), des analogies qui tiennent lieu de pensée. Pour ces raisons Jackie Pigeaud écrit dans ses notes (voir L’Homme de génie et la mélancolie, éditions Petites Bibliothèque Rivages) que ce style est celui « d’un mélancolique ». Il est vrai que le texte paraît peu structuré, sans division de parties. Le contenu est nouveau et original ; la physique naturelle d’Aristote tendant à favoriser l’union entre la notion purement médicale de mélancolie et le concept platonicien de « fureur ». Le texte de Ficin semble plus subjectif, Ficin étant lui-même d’un naturel mélancolique, et fondé sur le pouvoir des astres. Il insiste davantage sur les moyens pratiques d’échapper à l’influence néfaste de Saturne qui produit le naturel mélancolique dans le but de réconcilier les différentes vues de la médecine d’école, la magie, l’astrologie et l’éthique néoplatonicienne qui les réfutait. Naîtra de ce mélange, cette réconciliation, « la magie naturelle », qui est un lien entre la médecine et l’astrologie. Génie et mélancolie Les deux auteurs s’accordent pour affirmer que les hommes instruits, hommes de génie et d’exception ont un caractère mélancolique. Le texte d’Aristote commence sur une interrogation : « Pour quelle raison tous ceux qui ont été des hommes d’exception […] sont-ils Mélancolie et supériorité de l’esprit manifestement mélancoliques […] ? » Nous voyons bien que cette question ne porte pas sur une hypothèse à démontrer ; c’est une évidence : tout être d’exception est mélancolique, Ficin affirme de même que « les hommes de lettres sont sujets à la mélancolie ». Tous deux trouvent la raison de cette affirmation dans un tempérament propre aux hommes de génie. Ils opèrent une distinction entre les maladies, accidents temporaires de la mélancolie ou bile noire provoqués principalement par la digestion, et le naturel mélancolique. En outre, ils ne confondent pas ce naturel mélancolique L’Homme de génie et la mélancolie semble jeune, moderne, vif, fondé sur une réflexion rapide et dense ; ce qui augmente sa difficulté de compréhension. avec une maladie mentale qui relèverait uniquement de la psychiatrie. Le Phèdre de Platon a probablement aidé à établir la distinction entre mélancolie naturelle et pathologique en distinguant lui-même fureur divine et maladie humaine. Si Aristote nous dit que l’homme de génie mélancolique peut être affecté « des maux dont la bile noire est l’origine », c’est justement parce que même s’il est plus sujet et sensible aux maladies provoquées par la bile noire (puisqu’il a en lui une qualité et quantité de bile noire qui font de lui un mélancolique), il n’en est pas forcément atteint, réciproquement tout malade de la bile noire n’est pas forcément mélancolique. Il faut distinguer entre une maladie passagère causée par des dysfonctionnements et variations de flux de bile noire en nous, qui ne mettent pas en cause le naturel de l’individu, et un tempérament propre à un homme durant toute sa vie. Autrement dit, tout homme peut être à un moment de son existence affecté d’une maladie de la bile noire, mais seulement certains naissent, par nature, mélancoliques. Seuls ceux-ci sont « exceptionnels », anormaux, c’est-à-dire différents d’une Philosophie pratique 5



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