Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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Le Bonheur est en vous moins du monde humilier l’homme en renonçant au statut privilégié que la théologie lui accordait jusqu’ici, mais au contraire le libérer des anciennes problématiques religieuses qui tentaient de rendre compte de lui à partir de son action et de préjugés moraux. La célèbre opposition religieuse entre le Bien La célèbre opposition religieuse entre le Bien et le Mal morcelait sa réalité en deux entités opposées : d’un côté, un corps tentateur, de l’autre une âme pécheresse. et le Mal morcelait sa réalité en deux entités opposées : d’un côté, un corps tentateur, de l’autre une âme pécheresse. En réintégrant l’homme au sein de la nature, il le libère des préjugés théologiques d’un côté, et de ce problème insoluble pour Descartes qu’était celui du corps et de l’esprit. Cela lui paraissait comme deux idées distinctes, ramenant désormais l’homme à sa propre unité. Mais Spinoza ne s’en arrêtera pas là, tel que le montre R. Misrahi : employant à présent le terme latin mens, esprit, il délaisse à dessein l’ancienne formulation anima, âme, abandonnant ainsi une terminologie trop imprégnée de théologie pour se concentrer sur une nouvelle, que l’on pourrait rapprocher de conscience. Descartes persistait à employer le terme d’âme, puisqu’il déclarait que l’âme n’était pas dans le corps comme un pilote en son navire. L’homme n’est pas non plus, ajoute R. Misrahi, « un composé de deux substances, comme le pensait Descartes(21) ». En réalité, Descartes n’emploie pas l’expression de substance, tel que le souligne fort à propos Ferdinand Alquié dans ses Leçons sur Spinoza, mais d’ens per se, c’est-à-dire d’être par soi(22). Il n’en demeure pas moins que le problème traditionnel reste entier : comment deux réalités distinctes opaques et fermées sur elles-mêmes peuvent entrer en relation ? C’est le conatus qui remplace le dualisme dans la philosophie 38 Philosophie pratique de Spinoza, c’est-à-dire cet effort pour persévérer dans son être qui caractérise l’homme, évinçant ainsi tous les conflits qui divisaient jusqu’ici le corps et l’esprit. Aussi, en abandonnant la terminologie anima pour lui substituer mens, introduisant par là une toute nouvelle définition de la conscience, il introduit par la même occasion la possibilité d’une relation unitaire du corps et de l’esprit grâce à une bonne connaissance préliminaire de la conscience et du corps. « L’esprit est une activité : l’activité de penser un objet(23) », écrit R. Misrahi, nous permettant ainsi de mieux comprendre à présent comment Spinoza unifie l’individu. L’esprit en tant que dynamisme, acte transitif, est naturellement, immédiatement, et par essence mis en relation avec le corps. Ce qui est important à retenir, c’est qu’il est par nature. Pourquoi ? Nous savons que Spinoza veut pousser le dualisme cartésien jusque ses plus extrêmes retranchements, en lui refusant l’idée que l’esprit pourrait agir sur le corps, en l’organisant, l’informant ou l’unifiant. Mais par nature, l’esprit doit porter son activité primitive sur un premier objet. Comment pourraitil porter sur autre chose que le corps lui-même ? Cela fait donc du lien entre le corps et l’esprit un lien non pas externe, mais interne. Il y a une interaction. Ils expriment simultanément, ensemble, et objectivement la vie de la substance. Nous comprenons à présent comment Spinoza passe d’un dualisme problématique à une unité intérieure et objective. Nous manquerions cependant un point essentiel de l’innovation spinoziste si nous nous en tenions à cela. Tâchons d’abord de préciser ce point avec G. Deleuze : Spinoza propose aux philosophes d’instituer le corps en modèle(24). R. Misrahi n’en dit pas moins. Écoutons G. Deleuze : « Il s’agit de montrer que le corps dépasse la connaissance qu’on en a, et que la pensée ne dépasse pas moins la conscience qu’on en a. Il n’y a pas moins de choses dans l’esprit qui dépassent notre conscience que de choses dans le corps qui dépassent notre connaissance(25). » Qu’est-ce à dire ? Ni une connaissance des puissances du corps, ni le modèle du corps ne dévalorisera pas la pensée. « L’esprit humain est donc simultanément défini en lui-même, et relié au
corps ; c’est parce qu’il est en lui-même idée (ou conscience) d’objet, qu’il est, dès l’abord, idée (ou conscience) du corps(26) », nous dit encore R. Misrahi. Qu’est-ce à dire ? Nous savons que selon Spinoza, tous les problèmes cartésiens sont résolus, à partir de cette idée d’une unité véritable de l’homme grâce à Dieu qui représente une unité totale de la réalité qu’il incarne. Mais tel que le souligne F. Alquié, s’en tenir à une telle démonstration serait malencontreux, d’autant que nous ferions de Spinoza un successeur de Descartes qui, de Malebranche à Berkeley (ce dernier, comme nous le savons, alla jusqu’à nier l’existence indépendante et substantielle d’un corps) cherchèrent finalement à résoudre l’unité de l’homme par des solutions purement Xxxxx xxxxx théologique(27). Il faut suivre cette idée de parallélisme que nous avons évoquée plus haut pour comprendre l’inspiration spinoziste et la modernité de sa conception du corps. Précisons cette idée : à la fois unité d’un ensemble et équilibre d’actions multiples, il y a, selon Spinoza, une permanence du corps humain lié à l’idée, ce qui fait dire à R. Misrahi que « le corps humain est donc un individu global, permanent par la stabilité des relations internes qui le définissent » et que « l’esprit, comme idée du corps, est d’abord l’esprit comme idée d’un individu global, unifié et stable(28) ». Nous pouvons maintenant mieux comprendre pourquoi G. Deleuze nous dit que Spinoza veut instituer le corps comme modèle. L’esprit est conscient de l’individu unifié. Le corps est Philosophie pratique 39



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