Le Bonheur est en vous LE BONHEUR INDIVIDUEL SELON SPINOZA Introduction : problématique et méthode Quels sont les rapports entre le corps et la conscience ? La dimension de la conscience est-elle séparable de la dimension corporelle ? Comment peut-on entrevoir la problématique de la conscience à partir du statut du corps aujourd’hui ? Ces trois premières questions philosophiques fondamentales quant aux problèmes du rapport entre le corps et l’esprit viennent précisément questionner la définition de l’homme. Une définition qui pense l’homme de manière dualiste. À la fois un être matériel, proche de l’animal, assujetti à des besoins biologiques, et pourtant apte à les dépasser, sans totalement s’en affranchir néanmoins, donc y résister. Pourquoi ? Parce que l’homme n’est pas seulement un être embarrassé d’un corps, en produisant des pensées, il est également une conscience qui dispose de la faculté de se penser et de penser ses actions. Déchiré entre ses pulsions et sa raison, l’homme, dans ses actes et ses pensées, fait alors preuve d’une conjonction de deux principes différents et antagonistes. Cette dualité entre le corps et l’esprit, ou les pulsions et la raison, n’a pas manqué de créer un conflit 32 Philosophie pratique PAR MARC ALPOZZO dans la culture occidentale entre ceux qui font montre d’un véritable mépris pour le corps, qu’ils vilipendent et bannissent, et ceux qui, au contraire, défendent le mens sana in corpore sano. Dans son ouvrage Le corps et l’esprit dans la philosophie de Spinoza(1), R. Misrahi interrogeant le statut même du corps et de l’esprit précise, dès les premières lignes, que « la problématique du statut de la conscience se présente aujourd’hui d’une façon riche et paradoxale(2) ». Il est vrai que le débat philosophique à propos du dualisme, qu’il se soit placé sur le terrain ontologique ou déplacé sur le terrain psychologique, existentiel, neuroscientifique, ne nous a pas permis de dépasser le conflit. Aussi, en se fixant comme objectif philosophique de cerner les rapports du corps et de l’esprit dans la philosophie de Spinoza, R. Misrahi se devait, dès son introduction, de repositionner le débat des rapports corps-esprit entre les progrès de la neurobiologie qui « semblent offrir des éléments pour une connaissance et une maîtrise scientifiques du comportements(3) » et la philosophie phénoménologique qui vient faire barrage à des revendications excessives(4). Que l’on s’en tienne à l’homme neuronal affirmé par J.-P. |