Le Bonheur est en vous Dans « Encore des changements », le sujet qui souffre se voit imposer des métamorphoses successives, mais on comprend au fil du texte que ces dernières sont à la fois subies et volontaires : « À force de souffrir, je perdis les limites de mon corps et me démesurai irrésistiblement. […] Ah ! qui me laissera tranquille quelque temps ? Mais non, si je ne bouge pas, c’est que je pourris sur place, et si je bouge c’est pour aller sous les coups de mes ennemis… Mois je ne peux me faire à la souffrance. » Par la magie de mes mots et de l’imagination, le sujet devient tour à tour un animal, des « choses », des « ensembles tellement factices », de « l’impalpable ». Le texte construit donc une figure de sujet multiple, protéiforme, faisant disparaître les frontières entre les règnes (végétal, humain, 28 Philosophie pratique minéral, animal) : un sujet défiguré. Cette figure de sujet défiguré, mélancolique, est également mise en scène dans « Petit » où le locuteur à la fois maudit et intouchable est irréductible à un corps, à l’image du corps, se perçoit de manière presque délirante, comme un être infiniment petit vivant dans l’ailleurs de l’espace intérieur, ou dans « Un chiffon » qui s’ouvre ainsi : « J’ai rarement rencontré dans ma vie des gens qui avaient besoin comme moi d’être regonflés à chaque instant. » On assiste dans ce texte à l’élaboration d’une figure d’hommeballon de baudruche, et le poète joue sur le sens propre du mot « chiffon » – filant la métaphore tout au long du texte –, et sur le sens figuré plus complexe, qui dessine un sujet inadapté, préoccupé à remplir, combler ce vide existentiel, un sujet solitaire, fragile, paranoïaque, un bouc émissaire, une « boule » fer- |