Le Bonheur est en vous dépressif : « Je cherche à écrire des choses qui m’exciteraient, me rendraient joyeux, ou même malheureux, mais qui me sortiraient de ces propos de déprimé, et de la… nuit ! au lieu du tragique à m’en donner la diarrhée moimême », écrit Michaux à Paulhan en 1935 après relecture du Barbare en Asie et de La nuit remue. Ce sentiment que ses écrits sont le fruit d’un état mélancolique, c’est-à-dire empreints d’inhibition et dépourvus de vigueur, Michaux l’avait d’ailleurs déjà suggéré dans sa dédicace à Georgette Fourcade – la femme de son éditeur – en 1929 : « Voici toujours Mes Propriétés. Je vais me mettre sérieusement à jardiner et un jour je vous offrirai quelque chose qui sera agréable à la vue. Sans doute vous ne me voyez pas en jardinier, ni en 24 Philosophie pratique fleuriste. Mais je veux de toute façon vous inviter dans des propriétés moins inhumaines. Excusez donc encore cette fois-ci, votre ami H.M. » En fait, Michaux souhaite sortir de cet état et rêve même d’écrire non « à base de dépression, mais plutôt de fureur lucide » (lettre à Paulhan, Anvers, le 27 Déc. 1936). Or, les deux coexistent dans son œuvre, car comme le rappelle Nietzsche dans La naissance de la tragédie, la force et la douleur entretiennent des rapports ambigus : s’intéressant dans son livre au rapport qu’entretient le Grec à la douleur, Nietzsche en effet, se demande si « sa demande de beautés, de fête est née du manque, du dénuement, de la mélancolie » ; mais alors « d’où proviendrait la demande op- |