Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
Philosophie pratique n°3 jui/aoû/sep 2010
  • Prix facial : 4,90 €

  • Parution : n°3 de jui/aoû/sep 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (180 x 250) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 15 Mo

  • Dans ce numéro : le Bonheur est en vous.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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Le Bonheur est en vous corps, et elle ne se caractérise pas uniquement par déplacement et quantité de flux en nous, elle est aussi rendue visible par un physique particulier de l’homme : « veines saillantes », maigreur. Il y a sous l’effet du vin ou de la bile noire, changement de manière d’être selon la quantité bue ou le mouvement et le mélange de la bile, c’est-à-dire suivant les variations de la chaleur. Si Aristote prend l’exemple du vin c’est parce qu’il modèle les caractères comme le mélange de la bile noire. Il peut produire tous les états de personnalité et cela graduellement selon la quantité absorbée. C’est d’une expérimentation simple, quotidienne, à la portée de tous, dont se sert Aristote pour nous faire comprendre à quoi peut ressembler l’état du mélancolique, même si l’effet du vin est passager, artificiel, alors que l’homme est mélancolique par nature et à vie. En ce sens, Aristote a soin de préciser : « Le vin, […] crée l’exception chez l’individu non pour longtemps, mais pour un court moment, tandis que la nature produit cet effet pour toujours […]. » Ces descriptions d’états les plus extrêmes qui peuvent pousser au suicide mettent en garde l’homme mélancolique afin qu’il prenne soin de sa santé, même si Aristote n’établit pas comme Ficin les remèdes à suivre. Ce qui compte dans ce texte, c’est non pas la Si Aristote prend l’exemple du vin c’est parce qu’il modèle les caractères comme le mélange de la bile noire. Il peut produire tous les états de personnalité et cela graduellement selon la quantité absorbée. quantité de vin bue ni le vin lui-même, mais plutôt les effets sur les comportements, et manières d’appréhender les choses, les variations et gradations du caractère. J. Pigeaud nous dit que « l’efficacité du vin s’explique par 10 Philosophie pratique ce que l’on pourrait appeler une physique. C’est parce qu’il contient du vent [de l’air comme nous avons dit précédemment] qu’il produit ces effets ». L’exemple du vin permet d’éclairer non seulement la constitution et la nature venteuse de la bile noire, mais aussi les effets en l’homme. Nous avons dit qu’elle pouvait être froide ou chaude, et les deux en extrême, elle est donc instable, inconstante par nature, c’est pourquoi le mélancolique l’est aussi. Elle est variable selon son mélange, nous ne savons pas si Aristote fait ici référence au mélange de la bile noire avec les autres humeurs puisqu’il ne les mentionne nullement, ou s’il fait état d’un mélange variable du chaud, du froid, du vent de la bile noire elle-même. La bile noire est envisagée seule, elle l’est d’ailleurs comme un reste, un résidu, un dépôt dans un endroit précis du corps, de ce qui n’est pas cuit, la digestion étant envisagée comme cuisson. Or, il est question de digestion dans le texte, les hommes qui ne sont pas par nature mélancoliques mais souffrent à un moment d’une maladie de bile noire en sont atteints en raison d’un problème de digestion. L’adjectif perritos désigne donc ce qui est en excès, le résidu mais aussi l’exceptionnel, qui se distingue d’une norme. Au fur et à mesure du texte et de l’augmentation de quantité d’alcool absorbée, Aristote nous fait voir un grand nombre de caractères, de maladies qui sont de toutes sortes : colère, philanthropie, audace, folie, etc. Le vin commence par rendre les gens plus bavards s’ils sont secs et froids, puis, après une plus grande absorption ils deviennent audacieux dans l’action, plus tard ils peuvent devenir très violents, puis fous, mais d’autres peuvent être hébétés et demeurer tout à fait silencieux. Il y a autant d’hommes pour correspondre naturellement à chaque caractère que de caractères produits par le vin. Le mélange dépend vraiment de tout un chacun, du mélange à l’instant où on observe l’homme, et des circonstances auxquelles il doit répondre. Les maladies de la bile noire peuvent êtres des torpeurs, athymies, apathies et indolences si elle est trop froide, et des ulcères, accès de folie ou besoins sexuels intenses si elle est trop chaude. Si le mélange de la bile noire est inconstant, cette incon-
stance est constante, de la même façon elle rend les gens inconstants pour toujours. Ce postulat mis en place, Aristote prend l’exemple de moments de la vie quotidienne : lorsque nous nous trouvons face à une situation qui provoque la peur par exemple, du fait que nous ne restons pas constants face à ce type de situation, « car selon la relation de leurs corps avec un tel mélange les individus diffèrent d’avec eux-mêmes ». La manière d’être dépend du mélange de la bile noire à l’instant de la circonstance que l’homme doit affronter. L’annonce d’un danger, si le mélange est froid rend lâche, alors que si la bile noire est très chaude elle peut rendre plus audacieux et ramener l’individu par la froideur et la peur à un état moyen. Cet état rendra l’homme apte à penser les circonstances et à réagir intelligemment à la situation. Nos comportements, pensées et réactions dépendent donc de notre constitution physiologique à ce moment précis ; l’équilibre est extrêmement fragile et d’autant plus difficile à maintenir. Nous voyons que la mélancolie affecte aussi bien le corps que l’esprit, elle n’est pas uniquement une maladie corporelle insensée, elle est aussi ce qui génère notre manière d’être à un moment précis. En ce sens, l’homme de génie est un homme de circonstances auxquelles il est plus sensible, d’où son naturel inconstant. Son caractère d’exception vient de ce moment où sa concentration de bile noire et d’inconstance est si équilibrée qu’il ne souffre nullement des maladies de la bile noire. Inconvénient et danger de Saturne Le texte d’Aristote semble ici plus moderne, contemporain et proche des dépressions profondes et instants d’exaltation créatrice connus par les grands génies que le texte de Ficin. L’expérience du vin présente dans tout son texte rend son argumentation simple et familière. Pourtant, comme Aristote, Ficin établit que les qualités intellectuelles ne sont pas de simples prodiges, symptômes de maladies, mais sont des accomplissements de génie déterminés par le naturel mélancolique. Ficin s’accorde avec Aristote sur les maladies de la mélancolie (hébétude, ardeur, audace), il dit même dans le chapitre 5 que les variations de Mélancolie et supériorité de l’esprit Cette théorie montre que la mélancolie embrasse aussi bien une forme rationnelle, contemplative qu’imaginative. Or, pour Ficin les imaginatifs, qui tendent vers Mars ou le soleil, ne sont pas mélancoliques. cette humeur sont entre le froid et le chaud et ne sont pas différentes de l’action du « vin sans eau » en nous. C’est pourquoi nous n’allons pas reprendre ce qu’en dit Ficin puisque nous l’avons développé plus haut avec Aristote. Il faut cependant préciser une différence d’emploi de langage et de sens des mots. Ficin évoque l’humeur noire comme étant cette bile dont nous parle Aristote comme cause du tempérament mélancolique, mais cette humeur mélancolique en tant que capacité intellectuelle de l’homme de génie est dite selon lui « la bile blanche » naturelle. L’humeur blanche que l’on retrouve aussi chez Agrippa de Nettesheim, étant bonne et profitable dans le monde l’esprit, est à rechercher, tandis que l’humeur noire cause des maladies mélancoliques (folie, apathie, etc.) est à éviter. On rapproche souvent le texte de Ficin du texte d’Agrippa de Nettesheim De occulta philosophia, mais Ficin n’adopte pas la théorie de la gradation de celui-ci. Cette théorie montre que la mélancolie embrasse aussi bien une forme rationnelle, contemplative qu’imaginative. Or, pour Ficin les imaginatifs, qui tendent vers Mars ou le soleil, ne sont pas mélancoliques. La « ratio » qui tend vers Jupiter n’est pas non plus un degré suffisamment élevé pour faire d’un homme un être d’exception, seule la mens contemplatrix connaît intuitivement, transcende le raisonnement discursif, et peut tendre vers Saturne dont elle provient. Il y a donc une sélection plus précise faite par Ficin que nous ne trouvons pas dans le texte d’Aristote. La gradation des variations des Philosophie pratique 11



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