DOSSIER « Libres de penser ? » LE PAPE FRANÇOIS Le pape Francois estime que la liberté d’expression est un « droit fondamental » mais qui n’autorise pas à « insulter la foi d’autrui ». « On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision », a-t-il affirmé en janvier 2015. « Chacun a non seulement la liberté, le droit, mais aussi l’obligation de dire ce qu’il pense pour aider au bien commun. Il est légitime d’user de cette liberté mais sans offenser », a-t-il insisté avec force, appelant à la vérité, notamment en politique. Car « si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ! » DE LA LIBERTÉ DE PRESSE Voltaire l’a décrite comme « la base de toutes les autres libertés ». Indispensable à l’exercice démocratique, la liberté de la presse est également une condition nécessaire pour assurer le droit à l’information, droit stipulé dans la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Et pourtant, dans son classement mondial 2013, Reporters sans frontières dessine la carte d’un monde où la presse libre n’est pas la règle. Un monde où chaque semaine, des journalistes sont tués dans l’exercice de leur fonction - 141 en 2012 - et où certains régimes verrouillent encore totalement l’information quel qu’en soit le support… 22 80 Philosophie pratique Libres de penser ? sensibles tiennent aux cadres institutionnels et juridiques, eux-mêmes liés à l’histoire nationale. S’il est, par ailleurs, communément admis que les techniques de communication se sont très vite et très profondément transformées, on n’a pas véritablement réfléchi aux incidences que cela pouvait avoir sur le statut de la liberté d’expression. Cette dernière est en effet toujours abordée selon un schéma intellectuel forgé au XVIII e siècle, sans que l’on mesure suffisamment que le contexte actuel est tout à fait différent. Les sociologues et politologues pensent qu’il conviendrait d’envisager autrement les principes de conciliation entre la liberté d’expression et les autres droits de l’homme, ainsi que le rôle des États, garants, en dernier ressort, du respect des droits et des libertés de chacun. A ce titre, la 50% des Français se disent favorables à une limitation de la liberté d’expression sur internet. réflexion juridique est déterminante pour mieux comprendre ces enjeux cruciaux dans les sociétés libérales contemporaines. Le respect des autres et des lois Un pays qui respecte ce droit à la liberté d’expression, à la liberté d’informer, garantit une bonne gouvernance, et montre l’attachement d’un État à accorder à ses citoyens une libre pensée. Il permet à chacun d’accéder à toutes les opinions, à s’informer dans la transparence et à diffuser ses idées. Mais la possibilité de s’exprimer sans réelle contrainte implique cependant une chose importante : le respect de l’autre. Il ne faut pas confondre la liberté avec la capacité de faire tout ce qui nous passe par la tête. La liberté d’expression ne peut pas aller à l’encontre de certaines règles. Ainsi, des propos racistes, incitant à la haine, au meurtre, nuisant à la réputation des autres ou à la sécurité d’un pays…, qui sont des actes punis par la loi, ne peuvent être admis. Des exceptions en nombre Selon l’avocat Christophe Bigot, « La liberté d’expression garantit le droit de dire tout ce qui n’est pas considéré comme abusif par la loi française, qui en détermine justement les exceptions. Une liberté d’expression absolue n’est pas du tout dans notre tradition. Le premier texte qui la consacre, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui a aujourd’hui une valeur constitutionnelle, affirme certes que la liberté d’expression « est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Il affirme |