Philosophie pratique n°27 aoû/sep/oct 2016
Philosophie pratique n°27 aoû/sep/oct 2016
  • Prix facial : 6,90 €

  • Parution : n°27 de aoû/sep/oct 2016

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Lafont Presse

  • Format : (210 x 270) mm

  • Nombre de pages : 84

  • Taille du fichier PDF : 20,5 Mo

  • Dans ce numéro : l'instant présent, secret de la joie au quotidien.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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DOSSIER « Libres de penser ? » LE PAPE FRANÇOIS Le pape Francois estime que la liberté d’expression est un « droit fondamental » mais qui n’autorise pas à « insulter la foi d’autrui ». « On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision », a-t-il affirmé en janvier 2015. « Chacun a non seulement la liberté, le droit, mais aussi l’obligation de dire ce qu’il pense pour aider au bien commun. Il est légitime d’user de cette liberté mais sans offenser », a-t-il insisté avec force, appelant à la vérité, notamment en politique. Car « si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ! » DE LA LIBERTÉ DE PRESSE Voltaire l’a décrite comme « la base de toutes les autres libertés ». Indispensable à l’exercice démocratique, la liberté de la presse est également une condition nécessaire pour assurer le droit à l’information, droit stipulé dans la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Et pourtant, dans son classement mondial 2013, Reporters sans frontières dessine la carte d’un monde où la presse libre n’est pas la règle. Un monde où chaque semaine, des journalistes sont tués dans l’exercice de leur fonction - 141 en 2012 - et où certains régimes verrouillent encore totalement l’information quel qu’en soit le support… 22 80 Philosophie pratique Libres de penser ? sensibles tiennent aux cadres institutionnels et juridiques, eux-mêmes liés à l’histoire nationale. S’il est, par ailleurs, communément admis que les techniques de communication se sont très vite et très profondément transformées, on n’a pas véritablement réfléchi aux incidences que cela pouvait avoir sur le statut de la liberté d’expression. Cette dernière est en effet toujours abordée selon un schéma intellectuel forgé au XVIII e siècle, sans que l’on mesure suffisamment que le contexte actuel est tout à fait différent. Les sociologues et politologues pensent qu’il conviendrait d’envisager autrement les principes de conciliation entre la liberté d’expression et les autres droits de l’homme, ainsi que le rôle des États, garants, en dernier ressort, du respect des droits et des libertés de chacun. A ce titre, la 50% des Français se disent favorables à une limitation de la liberté d’expression sur internet. réflexion juridique est déterminante pour mieux comprendre ces enjeux cruciaux dans les sociétés libérales contemporaines. Le respect des autres et des lois Un pays qui respecte ce droit à la liberté d’expression, à la liberté d’informer, garantit une bonne gouvernance, et montre l’attachement d’un État à accorder à ses citoyens une libre pensée. Il permet à chacun d’accéder à toutes les opinions, à s’informer dans la transparence et à diffuser ses idées. Mais la possibilité de s’exprimer sans réelle contrainte implique cependant une chose importante  : le respect de l’autre. Il ne faut pas confondre la liberté avec la capacité de faire tout ce qui nous passe par la tête. La liberté d’expression ne peut pas aller à l’encontre de certaines règles. Ainsi, des propos racistes, incitant à la haine, au meurtre, nuisant à la réputation des autres ou à la sécurité d’un pays…, qui sont des actes punis par la loi, ne peuvent être admis. Des exceptions en nombre Selon l’avocat Christophe Bigot, « La liberté d’expression garantit le droit de dire tout ce qui n’est pas considéré comme abusif par la loi française, qui en détermine justement les exceptions. Une liberté d’expression absolue n’est pas du tout dans notre tradition. Le premier texte qui la consacre, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui a aujourd’hui une valeur constitutionnelle, affirme certes que la liberté d’expression « est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Il affirme
ELISABETH BADINTER, PHILOSOPHE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EST- ELLE EN DANGER EN FRANCE ? « Nous avons accepté l’autocensure. Nous avons accepté bien facilement le « religieusement correct » car la polémique vire toujours, à présent, à la condamnation morale. Certains ont dit, lors du procès des caricatures de Mahomet en 2007, que les journalistes de Charlie Hebdo flirtaient avec l’islamophobie et qu’ils abusaient de la liberté d’expression. Or, il faut le rappeler, la liberté d’expression ne connaît aucune limite lorsqu’il s’agit des idées. On n’a pas le droit de s’en prendre à des individus en chair et en os, mais on doit se battre idées contre idées. Les dessinateurs de Charlie Hebdo n’ont jamais reculé. Il existe, au-delà du sentiment collectif d’horreur, une mauvaise conscience des intellectuels et des journalistes. On a reculé plus facilement qu’eux. » toutefois aussi que tout citoyen doit répondre des abus définis par la loi. De même, l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui assure l’application du principe dans les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, évoque la possibilité de restrictions prévues par la loi, pourvu qu’elles soient strictement proportionnées aux buts légitimes poursuivis. » Oui, mais quelles sont ces exceptions à la liberté d’expression aujourd’hui ? L’avocat explique que les plus anciennes, déjà évoquées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui organise la reconnaissance de la liberté d’expression en droit français, sont la diffamation et l’injure. La première est définie comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne », la deuxième comme « toute expression outrageante, en termes de mépris ou invective ». La loi du 29 juillet 1881 réprime également depuis son adoption l’apologie de certains crimes. A ces exceptions s’ajoute un bloc d’infractions visant à protéger les personnes contre toute forme de rejet. Elles prévoient une aggravation de la peine dès lors que l’injure ou la diffamation s’appuient sur des motivations racistes ou antisémites, homophobes, sexistes ou sur une discrimination vis-à-vis du handicap. Elles répriment également la provocation à la haine pour ces mêmes raisons discriminatoires. Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit de la presse, rappelle pour sa part « que ce principe figure dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle. L’article 11 dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme  : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement »... Mais une restriction est immédiatement apportée à ce principe, après une virgule  : « Sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Les États-Unis, eux, n’ont jamais ajouté de virgule à leur « freedom of speech » garanti par le premier amendement de la Constitution. Jusqu’au Patriot Act de l’après 11-Septembre, ils réussissaient à maintenir une liberté d’expression quasi absolue, y compris avec des délirants  : les porteurs de croix gammées, le Ku Klux Klan, etc. La Convention européenne des droits de l’homme reprend la liberté d’expression, mais y met elle aussi des bémols. En France, je compte, moi, quelque 400 textes qui y ont porté atteinte. » Des choix pour l’avenir Philosophie pratique Dans un sondage publié en janvier 2015 par Le JDD, ils sont 50% des Français interrogés à se dire favorables à une limitation de la liberté d’expression sur internet, comme un écho aux dizaines de procédures lancées en moins d’une semaine pour apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, après les attentats de janvier à Paris qui ont fait 17 morts, le choix entre liberté et sécurité ne semble plus être un dilemme pour les Français  : dans un sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd’hui en France publié fin janvier, 76% d’entre eux se disent même favorables à ce que soient votées de « nouvelles mesures d’exception » pour mieux assurer leur sécurité « quitte à limiter leurs libertés ». Des chiffres qui font réfléchir et qui prouvent combien la question majeure de la liberté d’expression fait écho aux notions de liberté tout court, mais aussi de paix et de sécurité. n E.A. À LIRE « La Liberté d’Expression » de Sylvia Preuss- Laussinotte, Ellipses Marketing, 144 pages, 13 € . Philosophie pratique 81 23 Reporter Sans Frontières



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