LES PREMIÈRES LOIS Les historiens ont connaissance du code d’Ur-Nammu qu’il a été impossible de décoder dans son intégralité car incomplet. C’est donc le code d’Hammurabi daté de 1750 avant Jésus-Christ qui fait office d’ancêtre du droit, et fait la part belle à la loi du talion. axiome car en dépit de l’apparence, cette loi était relativement douce pour l’époque. En effet, si l’on volait, il convenait de rendre ce que l’on avait dérobé, et non pas d’aller sur des punitions plus symboliques et disproportionnées comme de se faire couper une main. La loi du talion a en réalité pour objectif de ne pas entrer dans une escalade de la violence qui ne peut aboutir qu’à la catastrophe. En ef- fet, il convient de ne pas laisser le plus fort obtenir ce qu’il veut simplement grâce à sa supériorité physique, et c’est la raison d’être du droit et de la justice : garantir que la loi du plus fort ne soit pas à la base de la société afin d’entrer dans ce que l’on considère être la civilisation et punir le fautif de façon équitable en tenant compte des dommages subis, ni plus, ni moins. Liaison avec la vertu Dans l’Antiquité, la notion de justice est clairement liée à celle de vertu. Les sophistes s’inscrivent a contrario en affirmant que la justice est un instrument de pouvoir. Socrate utilisera pour les contrer une symbolique simple et claire : la justice est l’équivalent du médecin, la société étant assimilée au corps humain. 54 Philosophie pratique Philosophie de vie « Ce qui est conforme aux lois extérieures s’appelle juste, et ce qui ne l’est pas, injuste. » (Kant) C’est Aristote qui introduit une nouvelle nuance, celle de l’égalité. En effet, chacun doit pouvoir compter sur ce traitement dit équitable qui induit des droits égaux. La justice est pour les philosophes l’essence même de cette capacité de la société à garantir un mode de fonctionnement identique quels que soient la personne, son pouvoir, sa puissance, sa beauté, etc. Selon Aristote donc « ce qui est juste est quelque chose d’égal ». La vertu fera son grand retour avec David Hume, qui fonde son idée de la justice sur le fait que l’homme a dû inventer ce concept qui est utile à la société. La loi avant les droits, voici son axiome. Justice & égalité A première vue, la justice signifie donc traiter chacun avec égalité. Ainsi aujourd’hui, les revendications de salariat identique entre homme et femme semblent tout à fait respectables et on ne peut plus normales pour une fonction similaire. Mais que faire pour la rétribution entre deux postes identiques, mais avec l’un qui est beaucoup plus « méritant », productif ou motivé que l’autre. Récompenser le meilleur serait-il injuste ? On introduit ici la notion de proportion qui vient modifier la donne : faire courir un adulte et un enfant sur la même distance en attendant le même résultat semble injuste, il convient de faire en sorte que les conditions d’équité soient remplies afin que la justice s’applique. Et voici cette fameuse égalité qui se complique. Justice & économie L’économie est sans doute le terrain où la question de la justice se John Stuart Mill, économiste britannique et philosophe, s’est interrogé sur la justice en termes d’égalité salariale. pose de façon quotidienne, les professionnels ayant à trancher pour prendre une position. Aller vers plus de justice sociale, aller vers plus de justice individuelle, récompenser les travailleurs ou les actionnaires, autant de thèmes qui ont été abordés depuis longtemps par des économistes, par des politiques et qui aboutissent à faire un choix que l’on peut qualifier de philosophique sur la notion de justice. John Stuart Mill est l’un de ces économistes britanniques, également philosophe qui a notamment évoqué la notion de justice dans le cadre de l’emploi et de la politique salariale. La question se pose effectivement : comment rémunérer au plus juste. En respectant une égalité stricte non seulement entre sexes, mais également à poste égal semble la réponse toute trouvée. Fort rapidement se pose cependant le sujet du « mérite ». A fonction égale, chacun n’aura pas les mêmes résultats en fonction de son profil. Et voici la contribution de Mill dans son ouvrage (« L’utilitarisme ») : on retrouve de façon sous-jacente l’idée que l’égalité n’existe pas entre les hommes et que chacun dispose de capacités et compétences différentes de par ses prédispositions innées mais aussi de par les connaissances acquises. Mais alors, si chacun fait du mieux possible dans la tâche qu’il a à accomplir, le fait que les résultats des uns soient meilleurs que ceux des autres ne doit pas intervenir dans le jugement à partir du moment où aucune faute ou défaillance n’est intervenue. On peut pousser le raisonnement jusqu’à dire qu’il faudrait accorder une compensation au moins performant étant donné qu’il aura sans doute moins de succès dans sa vie professionnelle. A l’inverse, la personne ayant un meilleur rendement apporte plus à la collectivité, la justice voudrait donc qu’il soit récompensé et gagne plus que son collègue. Si l’on refuse cet état de fait, le risque est que chacun aligne |