Nous sommes partis depuis 30 minutes. Je suis dans la cabine avec le capitaine, qui m’explique son métier en détails. Je sens venir des haut-le-cœur. « Excusez-moi, il faut que j’aille vomir, je crois. « Ne te penche pas trop par dessus bord. ». Je fais au monde des eaux la libation de mes tripes tout en écartant le plus possible mon Nikon de ma bouche et sens les regards des matelots sur mon dos. Je me retourne, ils parlent entre eux en souriant. « Décidément, le petit parisien n’a pas le pied marin ! On s’y attendait. C’est normal, le bonhomme tient pas le coup. » Mes viscères se contractèrent sous leur œil compatissant et amusé. Je me sens mal ; j’en oublierais presque pour quoi je suis là. Je me 12 # cramponne à mon Nikon comme à une planche de salut et commence à photographier. Plus la journée avance, plus je me rends compte de l’âpreté du métier de ces hommes, et de sa terrible beauté. Sans un mot, ils démêlent des filets, les rejettent ; silencieux, ils travaillent. Inlassablement. Certains assis, d’autres debout observant la mer. Cette mer qui les nourrit et dont ils sont les esclaves. Des relents de ma scolarité me reviennent : « O flots, que vous savez de lugubres histoires ! « Je ne perds pas une miette de ce qui m’est offert et éclate devant moi dans toute sa poésie. |