112 # C’est sur un site cerclé de montagnes que débouche notre marche. Un incroyable village éphémère peuplé de visages souriants se déploie sur un vallon parsemé d’anciennes plantations de maïs, et où bananiers et caféiers se dressent fièrement rappelant la richesse du pays. Le soleil semble être de retour après plusieurs jours de pluie incessante. La boue rend difficile les déplacements, et la première glissade qui m’a fait pourtant grassement rire, vient de laisser place à une certaine inquiétude. Au loin, le son enjoué des tams-tams nous appelle à faire la connaissance de notre nouvelle famille de cœur. Sur le chemin tortueux vers la cuisine centrale main kitchen), des dizaines de campements multicolores affleurent de la végétation luxuriante. Tendues sur des piquets de bois, de grandes bâches de plastique noir et bleu servent d’abris, des drapeaux aux couleurs de l’arc en ciel flottent calmement dans l’air doux de l’hiver guatémaltèque. Un garçon aux longues dreads-locks et couvert de tatouages transporte pieds nus un fagot de bois. Enrubanné dans des pagnes et foulards, un groupe chante en choeur un air indien. Un homme assis en tailleur et yeux mi-clos gratte les cordes d’une cithare. Une jeune femme nue surgit des fougères, et se jette dans nos bras dans un élan de joie incompréhensible. Chacun vaque à ses occupations, se sourit, s’échange des biscuits et des graines. Un calme crépitant d’enthousiasme nous enveloppe, quand une trentaine de voix en choeur s’élèvent soudainement. Dans un grondement sourd, je saisis « food circle » suivi de son approximative traduction en espagnol. Un écho artificiel se forme en contrebas, et un autre groupe reprend le cri de l’appel au repas. « A comer ! ». Il fait bientôt nuit, et l’excitation s’empare de moi à l’idée d’assister enfin au rituel du cercle autour du feu sacré. |