art des mets À sa façon de se tenir sur ses jambes, on devine chez le jeune cuisinier une puissance et une certaine une assurance. S’il n’a aucun diplôme dans le métier, Jean-Louis Dugat a une sacrée volonté. À 18 ans, il quitte La Rochelle avec un Bac Pro et un BTS en Maintenance Nautique et décide de mener sa barque sur une mer qu’il s’est choisie. La cuisine ! Tenter sa chance À 14 ans, alors que ses camarades d’école prenaient du bon temps, Jean-Louis était déjà cuisinier. « Moules frites, pizzas, burgers… sur l’île d’Oléron. J’ai fait ça pendant cinq saisons. » Face au volume de travail, il teste sa motivation. À sa majorité, il postule partout et entre « au culot » comme commis dans les cuisines d’Hélène Darroze, rue d’Assas dans le 6 e arrondissement de Paris. « Il faut tenter. Je me suis dit pourquoi les autres et pas moi ? » Une première touche capitale ! Sans parcours classique, il sait qu’il devra donner plus que les autres. Une donnée qui n’est pas pour lui déplaire et qui canalise son énergie. « Nous étions 20 dans la brigade, des bonshommes à la tête dure. Jean Sevegnes, le chef exécutif du restaurant, demandait beaucoup de rigueur. J’ai apprécié sa présence face à l’équipe, son écoute envers nous et les clients. » Jean-Louis s’imprègne, apprend les gestes, l’organisation, la mise en place, toutes les techniques de base. En un an et demi, il est passe demi-chef de partie, chef de partie puis premier chef de partie. Une ascension rassurante pour ses parents qu’il régalait de ses gâteaux en rentrant de l’école. « J’adore faire pour les autres ! » Puis, le jeune cuisinier est appelé à participer à la création de toutes pièces d’un bistrot à Boulogne. « Nous partions d’un bâtiment brut, je devais dessiner ma cuisine. » Il parcourt les allées de Rungis, « une petite ville avec des milliers de fournisseurs », monte sa carte, se fait de nouvelles armes. Connaissant le souhait du natif de Châteaugay de revenir en Auvergne, Alain Beauvoir cogérant avec Antoine Mendès du Clos Saint-Éloi, l’invite à rejoindre Thiers. « J’avais déjà embauché Jean-Louis au bistrot à Paris. Quand je l’ai recruté pour le Clos, peu importait qu’il ait ou non un parcours classique. Je préfère un bon autodidacte. Tout de suite, lors de l’entretien, il m’a dit qu’il voulait décrocher une étoile avant d’avoir 30 ans. » Désireux de miser sur I 40 l’avenir pour son établissement tout juste refait à neuf, Alain Beauvoir attend le bon moment car il ne voit pas là une arrogance mais l’impatience du talent. Jean-Louis reste quelques mois au Clos St-Eloi puis part pour Annecy où il œuvre comme sous-chef chez Vincent Lugrin, au restaurant gastronomique Le Belvédère. « Je travaillais les poissons du lac, j’allais à la cueillette des herbes sauvages et passais du temps l’après-midi dans le petit potager. » Pour lui, tout est bon pour apprendre. Des fourneaux aux livres de Yannick Aléno et ceux de Jean-François Piège, l’école c’est la vie ! Assurer une régularité Quand l’occasion se présente de laisser son poulain grandir, en avril 2016, Alain Beauvoir rappelle Jean-Louis pour qu’il prenne la direction des cuisines. Neuf mois plus tard, celui-ci décroche une assiette au Guide Michelin, une nouvelle distinction pour le guide qui met en avant « un bon repas, tout simplement ! ». « C’est au-dessus du Bib et avant l’étoile », souligne Jean-Louis qui, en novembre dernier, est élu « Jeune Talent » parmi les 24 chefs consacrés en 2018. « La soirée de remise des prix à France Télévision était impressionnante. Il y avait de grands noms. Gilles Goujon, chef triplement étoilé de l’Auberge du Vieux Puits m’a encouragé : « Les récompenses ne viennent pas facilement. Continue comme ça. » » « Il est à la cuisine ce qu’un peintre est à un tableau, c’est un créatif », remarque celui qui a su le dénicher. Aux fourneaux (110 m² à gérer), Jean-Louis monte sagement en pression. « Le stress est notre pire ennemi. |