tour de main Des destins qui se dessinent au gré de l’intuition, des rêves un peu fous qu’on enfouit dans un coin de la tête par peur, par besoin d’écouter les autres, nous en avons tous… Benoît Gasparin a réussi à renouer avec ce désir de réaliser sa destinée. L’homme de 28 ans a tracé sa voie, avec ses propres idées et son envie de poser ses mains sur le bois pour lui donner une seconde vie. L’artisan d’art, ancien militaire et agent de sécurité, fait partie de ces autodidactes que les obstacles n’arrêtent pas. Installé à Marchastel, au cœur des montagnes du Cantal près de Riom-ès-Montagnes, il crée des planches à découper uniques sous le nom de Cœur d’if. Et bien d’autres choses… « À 14 ans, je voulais être ébéniste, mais on m’a poussé à faire d’autres études. Quand je me suis remis en question il y a quatre ans, j’ai voulu travailler le bois. Retrouver ça. J’ai contacté des professionnels qui m’ont tous ri au nez quand je racontais mon parcours. J’étais trop vieux pour être compagnon et ils voulaient quelqu’un qui soit déjà formé. J’ai compris qu’il fallait que je me débrouille tout seul ». Ainsi, sur son balcon à Angers, il stocke des pièces de bois et travaille ses premières pièces la nuit, durant ses veillées de garde, avec une simple gouge ou un couteau. « Mais ce qui m’intéressait, c’était le tour à bois… ». Changement de cap, changement de vie. Avec sa femme, ses deux filles, ses outils et ses rêves, il part habiter dans le Cantal, là où naîtra véritablement son art. « C’est ici que j’ai fait tourner mon premier tour à bois. Et ça a été comme un déclic. J’ai tout de suite senti quelque chose », sourit-il, ému. Un bougeoir, puis quelques objets, des bijoux qu’il expose durant les fêtes du village. Il finit par sortir des pièces plus utilitaires — toutes fabriquées avec des essences locales — comme des bols, des assiettes, des cuillères, des plats. Et des planches à découper, qui vont s’imposer comme une signature. Taillée à la main, nourrie à l’huile de lin Sa toute première planche trône encore dans la cuisine, faite à partir d’une ancienne armoire en chêne datée de 1808. Et déjà, on observe le style de Benoît Gasparin : ses formes, ses courbes, en douceur, en harmonie avec le grain du bois. « Je dessine d’abord sur le bois puis j’attaque à la 28 gouge. C’est une journée de travail ». Poncée à la main, trois fois, avec un papier abrasif de plus en plus fin, la planche est ensuite enduite d’huile de lin qui vient nourrir le bois en profondeur, et va sécher durant au moins 15 jours. Ses planches à découper vont taper dans l’œil d’un chef clermontois un jour de marché à Chaudes-Aigues (15). Didier Lantuéjoul, chef du Buronnier à Clermont-Ferrand, qui propose notamment des viandes maturées de la boucherie Gauthier, se laisse charmer par ce savoir-faire artisanal. « Je ne pensais vraiment pas pouvoir plaire aux chefs ! Ce jour-là, il m’a posé plein de questions sur mon travail sans me dire qui il était. Et puis il est revenu vers moi et m’a demandé de travailler sur une forme particulière pour servir sa viande dans son restaurant », se souvient Benoît Gasparin. Pendant une semaine, il planche sur ce nouveau projet. Cette nouvelle collaboration va lui permettre d’améliorer son produit, de le rendre plus technique et adapté aux besoins des cuisiniers et des serveurs. Comme le fait d’incorporer une partie creuse sous la planche pour pouvoir porter facilement la pièce ou encore l’insertion d’une poignée située à droite pour pouvoir « desservir » plus facilement. Sans oublier la petite rigole que l’on appelle « saignée » afin de laisser le jus s’écouler. Depuis, plusieurs autres chefs ont aussi repéré le talent de Benoît Gasparin, le sollicitant pour réaliser planches, sucriers et même plateaux de fromages. « Rien n’est impossible. Si je suis là aujourd’hui à faire ça, c’est bien la preuve que c’est vrai », aime dire l’artisan. Un rêve nourri de volonté et de patience, de passion, aussi, qui lui permet de laisser sa créativité s’exprimer pleinement au gré de ses productions. « C’est une intuition qui est difficile à exprimer. Si on ne la suit pas, ça peut rendre fou ! » Une démarche artistique qui reste gravée dans le bois. → Mathilde Jarlier Sur Facebook : www.facebook.com/Cœur-dIf |