la vocation semble si éloignée de nos collections habituelles ? Seraient-ils amenés à fonctionner de nouveau ? Au musée jusqu’alors, les spécialités des maquettistes étaient essentiellement axées sur le bois 2, le métal3 et le gréement4 dans la tradition pure du modèle historique. Dernière arrivée dans cette équipe, une autre spécialité complémentaire m’a été confiée : la peinture. Dès l’arrivée de la collection en réserve, il était urgent d’évaluer la faisabilité d’un chantier de restauration qui concernerait 250 pièces sur une période de 10 mois avant le montage de l’exposition. Quatre personnes à l’atelier des modèles du musée pouvaient donc répondre, de par leur spécialité, à une partie du chantier. Mais compte-tenu du nombre de pièces, de la complexité des matériaux et des particularités de leurs altérations, il nous a paru nécessaire de renforcer notre équipe par des Conservateurs-restaurateurs indépendants, spécialistes des traitements du métal 5, de la couche picturale 6 et du textile 7, également diplômés d’Etat. Avant de toucher aux objets, un protocole d’interventions devait être dressé afin d’homogénéiser le travail de dix personnes. Le bateau-jouet : un objet composite Avant de restaurer, il faut posséder quelques connaissances sur la fabrication et la technologie d’un objet. Grâce à cette connaissance, le restaurateur se replace dans le contexte et prend conscience de la complexité historique et matérielle de l’objet à traiter. Il peut aussi, par ce biais, observer, analyser et identifier les causes des dégradations et les altérations qu’ont subi les pièces. 2 Denis CHAMPEAU, Jean-Michel LETENOUX, Maquettistes, spécialité bois. 3 Bernard BOUCHERON, Maquettiste, spécialité métal. 4 Jean-Michel LETENOUX, Maquettiste, Chef d’atelier, spécialité gréement. 5 Jane ECHINARD - Conservateur-restaurateur de métal pour l’IRRAP de Compiègne, Claire MARTIN Conservateur-restaurateur métal, Anne-Cécile VISEUX-ROBERT - Conservateur-restaurateur métal, Manuel LEROUX - Conservateur-restaurateur métal. 6 Charlotte DESPAGNE, Conservateur-restaurateur d’œuvres peintes. 7 Angélique DURIF, Conservateur-restaurateur de textiles. 56 - Restauration - Jouets de collection nº 17 Force est de constater que les matériaux mis en œuvre lors des processus de fabrication sont intrinsèquement liés à l’histoire de la société, à son évolution économique et sociale. Le constat d’état Le constat d’état est un travail préalable à toute intervention, requis par les musées et de plus en plus demandé par les particuliers. Aujourd’hui, la plupart des restaurateurs ont intégré l’idée de documenter leur travail. Un constat d’état est une première étape dans la documentation à compiler sur un objet. Il s’agit en fait d’une fiche d’identité plus ou moins détaillée dans laquelle est dressé un inventaire des matériaux constitutifs, des techniques d’assemblages et de fabrication, des altérations et causes d’altérations et des interventions antérieures si l’on peut les identifier. Un diagnostic général (tel un chirurgien avant une opération) vient ensuite en fin de constat d’état afin de synthétiser les problèmes et identifier leurs causes. Ce n’est qu’à ce stade qu’une proposition d’intervention peut être faite en vu de conserver et restaurer l’objet. Après avoir réalisé un constat sur l’ensemble de notre collection, nous nous sommes décidés à distinguer deux grande familles de bateaux-jouets : les jouets constitués en majorité de métal peint – représentant les deux-tiers environ de la collection - et les jouets constitués de bois ou bois peint pour l’essentiel – représentant le tiers restant de notre collection. Une grande partie de nos bateaux-jouets en métal peint par exemple, est issue de petite production où nous avons pu identifier un support en fer blanc (fer étamé) ou en alliage ferreux surmonté d’une préparation et d’une couche picturale de nature huileuse. Les fonds de peinture à l’huile pouvaient être appliqués au pistolet ou au pinceau et les détails (lignes de flottaison, motifs ornementaux…) reportés au pinceau, par estampage ou décalcomanie. Tout dépend de l’époque à laquelle étaient réalisés les modèles et les moyens dont disposaient les fabricants. Il n’est pas rare de voir parmi les bateaux-jouets en métal, quelques réemplois de boîte de conserve ou de morceaux de métal ayant déjà servi pour d’autres usages. Ces réemplois et le travail exécuté à la main permettent alors de dire que l’objet a été réalisé par de petites manufactures où le travail à la chaîne avec une répartition des postes par type d’opérations pouvaient exister. La réutilisation des supports est aussi quelquefois synonyme d’époque de pénuries de matière première où l’on use de la récupération pour des raisons de coût et d’économie de matériau. Le constat d’état aide donc à observer des détails a priori insignifiants mais qui, associés à d’autres, permettent certains rapprochements et comparaisons, voir même une datation plus juste de l’objet. On peut aussi grâce à celui-ci et à l’apport de techniques d’analyses 8, repérer si le jouet a subi des modifications, des revernissages, des repeints ponctuels ou intégraux de propriétaires interventionnistes… La conservation-restauration en musée Après le constat d’état vient le temps de l’intervention. Tel un chirurgien, le Conservateurrestaurateur doit opérer sans aller trop vite. Il est important de garder à l’esprit que chaque élément déplacé, défait, retiré peut subitement être perdu à jamais si le travail documentaire à été mal fait au préalable ou si une intervention trop hâtive et sans réflexion est menée. C’est pourquoi, aujourd’hui, le Conservateur-restaurateur évolue vers une intervention minimaliste et réversible, en documentant toujours de façon minutieuse son travail. L’intervention de restauration est actuellement « normalisée » dans la profession. Il ne s’agit pas de se faire plaisir ou de faire un travail d’alchimiste ou d’amateur ingé- 8 Aujourd’hui, les musées comme les particuliers peuvent faire appel à des laboratoires d’analyses pour identifier et caractériser les matériaux ou pour identifier des techniques de mise en œuvre. Pour l’exposition des bateaux-jouets, nous avons eu recours à une radiographie X afin d’identifier le mécanisme intérieur du-jouet, totalement inaccessible. Des techniques plus simples peuvent être aussi mises en œuvre par le professionnel comme l’observation sous ultra-violet, sous infra-rouge, sous microscope ou sous binoculaire. Ces méthodes ne sont pas destructrices pour l’objet car aucun prélèvement n’est fait sur la matière. |