Notre système nerveux est composé d’une diversité étonnante de neurones. Pourtant, un très petit nombre de protéines est nécessaire pour générer et déterminer l’identité de ces milliards de neurones. Un nombre encore plus restreint de protéines, appelées protéines proneurales, initie et régule le développement du cerveau et la neurogénèse (fabrication de neurones fonctionnels à partir de cellules souches neurales). LE RÔLE DES PROTÉINES PRONEURALES Ces protéines proneurales sont des facteurs de transcription, c’est-à-dire qu’elles contrôlent l’expression des autres protéines. Elles sont exprimées de façon très transitoire pendant la neurogénèse précoce. Un point clef non encore élucidé au sein de ce système est la régulation temporelle précise de l’activité des protéines proneurales et la façon dont elle contribue à la différenciation neurale. Comment un ensemble très petit de protéines avec une durée d’expression très limitée contrôle-t-il la génération d’un nombre très élevé et très diversifié de neurones ? Quelles sont 8 INTELLIGENCE MAGAZINE les causes et les conséquences de l’expression transitoire de ces protéines ? Enfin, ce mécanisme qui permet le développement du système nerveux est-il conservé entre les espèces ? Selon des recherches antérieures, l’activité des protéines proneurales a deux caractéristiques : une amplitude importante, expliquée facilement par l’auto-activation, et une durée limitée. Comment une protéine qui auto-active sa propre expression peut-elle disparaitre au pic de son expression ? Les résultats suggèrent l’existence d’un mécanisme inconnu qui prend le pas sur l’auto-activation et permet de synchroniser l’amplitude et la durée de l’expression des protéines proneurales. ENQUÊTE IDÉES DÉCOUVERTE SUR… Le développement du cerveau L’équipe de BassemHassan, neuroscientifique de renommée mondiale qui a rejoint l’Institut du Cerveau en janvier 2016, a découvert un mécanisme inédit et très conservé entre les espèces, qui régule la neurogénèse via un contrôle temporel précis de l’activité d’une famille de protéines essentielles au développement du cerveau, les protéines proneurales. Ce mécanisme, une simple modification chimique réversible, est crucial pour la production d’un nombre suffisant de neurones, leur différenciation et la mise en place du système nerveux. Explications. DES RÉSULTATS PLEIN DE PROMESSES ICM Pour répondre à ces questions, l’équipe de BassemHassan a étudié le contrôle et le mécanisme de l’expression des protéines proneurales lors du développement de la rétine chez la drosophile. Ces protéines contrôlent la différenciation des neurones de la rétine à partir des cellules souches neurales. Les chercheurs ont découvert un mécanisme binaire de type « tout ou rien » qui permet d’inactiver les protéines proneurales : il s’agit d’une modification chimique réversible (phosphorylation) dans une partie de la protéine très conservée entre les différentes espèces, de la drosophile à l’homme en passant par la souris. C’est ce mécanisme qui permet la mise en place d’un réseau de neurones fonctionnels. Ces résultats, confirmés dans un autre modèle expérimental, révèlent donc l’existence d’un mécanisme très conservé entre les espèces et universel qui régule la neurogénèse et la génération d’un nombre suffisant et diversifié de neurones au cours du développement du cerveau. Des mutations empêchant cette modification chimique entraînent des maladies qui altèrent le développement du système nerveux, l’élucidation de ce mécanisme pourrait donc permettre, à terme, la mise en place de solutions thérapeutiques. Par ailleurs, tout au long de sa vie, un adulte génère de nouveaux neurones qui contribuent à maintenir l’ensemble de ses capacités cognitives et qui jouent un rôle clef dans la mémoire. La compréhension du rôle de ce mécanisme au cours de la neurogénèse chez l’adulte serait une piste prometteuse pour lutter contre les maladies dégénératives. n V.L. Source : Institut du Cerveau et de la Mœlle épinière-ICM |