DÉVELOPPEMENT Philosophie & Psychologie À LIRE CARL GUSTAV JUNG Durant ses années d’études, et comme c’était alors l’habitude dans les universités de tradition germanique, CarlGustav Jung appartenait à un cercle étudiant où le débat scientifique, affranchi des conventions académiques et sociales, était aussi le lieu d’expression de convictions fortes. Les « lectures » que Jung prononça devant les étudiants bernois et berlinois de la société Zofingia ont donc peu de choses à voir avec des « conférences » au sens classique du terme. Dans ces éclats de jeunesse toutefois gisent les racines profondes d’une pensée et d’une œuvre. On y saisit, « à l’état naissant », l’ensemble des réflexions qui l’éloigneront par la suite de Freud, en particulier son rapport à l’épistémologie kantienne et à Nietzsche dont il réévalue l’importance philosophique. Ces lectures permettent ainsi d’entrer au vif d’une réflexion vivante qui ne cessera jamais de se remettre en cause tout en demeurant fidèle à ses premières intuitions. « Psychologie et Philosophie » de CarlGustav Jung, Albin Michel. psychologue qui en est le praticien l’aide à trouver par lui-même sa propre solution sans la lui apporter de façon évidente et explicite. Dans un sens plus général, la psychologie est la connaissance empirique ou intuitive des sentiments, des idées, des comportements d’une personne et des manières de penser, de sentir, d’agir qui caractérisent un individu ou un groupe. Un détachement au fil du temps Dans l’Antiquité, la philosophie représentait la science suprême, celle « des premiers principes et des premières causes ». Les autres sciences, et notamment la physique, recevaient d’elle leurs fondements. Cette alliance s’est trouvée brisée au XVII e siècle, avec l’apparition de 68 INTELLIGENCE MAGAZINE 58 QUESTION PHILOSOPHIE Le philosophe Michel Foucault, a tenté d’expliquer les rapports difficiles et tendus entre philosophie et psychologie. INTELLIGENCE MAGAZINE PHILOSOPHIE & PSYCHOLOGIE la méthode expérimentale et le développement des sciences positives. Depuis cette époque, la science et la philosophie n’ont cessé de s’éloigner l’une de l’autre. Dans « Sagesse et illusion de la philosophie », Jean Piaget rappelle comment, au dix-neuvième puis au vingtième siècles, l’histoire, la sociologie et la psychologie, mais aussi l’épistémologie, se sont détachées de la philosophie, non sans s’inspirer des observations des philosophes, ou sans emprunter quelques-unes de leurs notions et de leurs interrogations. L’apport de Michel Foucault Dans une partie de son œuvre, le philosophe Michel Foucault, a tenté d’expliquer les rapports difficiles et tendus entre philosophie et psychologie. Dans une interview réalisée en 1965 par Alain Badiou, il tente de répondre à la question des rapports entre la psychologie comme forme culturelle et la philosophie. Sa réponse est la suivante : « Alors, je crois que l’on est là à un point du conflit qui oppose depuis cent cinquante ans les philosophes et les psychologues, problème qui est relancé maintenant par toutes les questions qui tournent autour de la réforme de l’enseignement. Je crois que l’on peut dire ceci : d’abord qu’en effet la psychologie et, à travers la psychologie, les sciences humaines sont depuis le XIX e siècle dans un rapport très enchevêtré avec la philosophie. » Et d’ajouter : « A une époque où les sciences humaines recevaient en effet leur problématique, leur domaine, leurs concepts d’une philosophie qui était, en gros, celle du XVIII e siècle, je crois que la psychologie pouvait être définie ou bien comme science, disons, de l’âme, ou encore comme science de la conscience, ou encore comme science de l’indi- « La psychologie s’oppose à la philosophie comme la conscience s’oppose à l’inconscient. » (Michel Foucault) |