PHILOSOPHIE D’aujourd’hui « Aujourd’hui, j’essaie de vivre à fond les trois vocations que m’a données l’existence : père de famille, personne handicapée et écrivain ». Accueillir le handicap et la joie Le jeune philosophe a publié il y a quinze ans un livre qui a fait sensation « L’éloge de la faiblesse ». Il imagine dans ce livre avoir comme guide Socrate et selon la tradition grecque commence à dialoguer avec lui autour du thème de la normalité. « Très vite, j’eus l’intuition qu’en fuyant le handicap, on s’isole. Il est là, il faut l’accueillir comme un cinquième membre, composer avec lui. Pour ce faire, la connaissance de ses faiblesses me semble primordiale » explique-til. S’il a étudié le grec ancien, c’est aussi pour comprendre au plus près dans le texte les philosophes hellénistes à qui va sa préférence. L’homme est absolument étonnant À LIRE 62 INTELLIGENCE MAGAZINE 38 QUESTION PHILOSOPHIE INTELLIGENCE MAGAZINE PHILOSOPHIE D’AUJOURD’HUI et dit lui-même que sa pensée de philosophe s’est ancrée dans son expérience à l’institut pour personnes handicapées. L’élément qui séduit est évidemment que c’est la joie qu’il a retenue en premier lieu de ses expériences. Comment cela est-il possible ? Cela serait-il un exemple extraordinaire de résilience ? LES 4 GRANDES LEÇONS DE « LE MÉTIER D’HOMME » Dans cet essai (Ed. Le Seuil), Jollien développe notamment quatre idées : - La vie s’invente tous les jours, que l’on soit handicapé ou pas. - Le corps est partie intégrante de notre condition humaine, il faut donc l’habiter quel que soit son état. - La joie et l’austérité sont les deux éléments sur lesquels il est possible de s’appuyer. - Retrouver son enfant intérieur, celui qui n’en veut à personne, une notion que l’on retrouve chez Nietzsche. Un véritable art de vivre Peut-être, mais selon Alexandre Jollien lui-même, cela est aussi la conséquence d’une véritable discipline et de ce qu’il appelle un « art de vivre ». Une pensée qui se rapproche de l’idée que l’on se fait du bouddhisme, mais aussi d’une vie religieuse de style monastique. La joie serait donc en nous grâce à une pratique régulière faite d’exercices LA CONSTRUCTION DE SOI Ce livre d’Alexandre Jollien (Ed. Points, 2012) rassemble une série de lettres qui dessinent un usage de la philosophie envisagée comme un mode de vie, une thérapeutique de l’âme. Ici, les philosophes sont interpellés et mis à l’épreuve. Tour à tour, le lecteur côtoie Boèce, Epicure, Schopenhauer, Spinoza ou Etty Hillesum. Ces guides présentent des voies pour se dégager du passé, des regrets ou de la haine de soi. Ils invitent à se libérer du regard d’autrui et ouvrent au risque de l’acceptation. Alexandre Jollien propose un dialogue intérieur qui prend la forme d’une correspondance adressée à Dame Philosophie, cette figure allégorique dont Boèce imagina recevoir la visite alors qu’il attendait dans sa prison d’être exécuté. Dans cet itinéraire, l’auteur esquisse le portrait de Dame Frayeur et de la Mort, avec lesquelles il faut bâtir une vie. Ces lettres entendent dépeindre un état d’esprit qui tente de répondre à l’invite de Spinoza : « Bien faire et se tenir en joie ». spirituels menant au lâcher-prise. D’ailleurs, c’est à la fois l’inspiration chrétienne comme la pensée bouddhiste qui ont poussé l’auteur à étudier la philosophie zen et à méditer afin de travailler les deux notions de solidarité et de liberté intérieure. C’est dans son ouvrage « Le philosophe nu » que l’auteur se dévoile le plus. Il n’hésite pas à détailler les difficultés qu’il a à résister aux passions qui viennent contrarier la pensée raisonnée. Il y aborde aussi pour la première fois son approche de la pratique zen. L’homme va encore |