Comme le disait Pierre de Coubertin « Le succès n’est pas un but, mais un moyen de viser plus haut ». Le dépassement de soi est donc inscrit dans les gènes de la pratique sportive telle qu’on souhaiterait qu’elle s’exerce. Mauriac, le Nobel de littérature, confirmait en disant « Battre les records, c’est l’idée fixe d’un véritable sportif, et il y a là comme une usurpation par le corps de cette vocation spirituelle du chrétien : se dépasser soi-même. » UNE QUESTION PHILOSOPHIQUE Plus près de nous, le philosophe Raphaël Enthoven a mis en avant les bienfaits du sport, au-delà du physique bien entendu. Mettant en avant le pouvoir de l’effort, qui chemin faisant, entraîne un état spirituel et mental de l’ordre du quasi hypnotisme où le 26 INTELLIGENCE MAGAZINE DOSSIER « LES POUVOIRS DU CORPS HUMAIN » L’art de se dépasser Philosophiquement, quand on parle de « dépassement de soi », il y a ceux qui ressentent dans le désir, voire l’injonction de se dépasser, un relent d’idéologie, de moralisme et de culpabilité d’une part, et ceux qui y voient l’essence même de l’homme qui consiste à vouloir progresser, croître, se dépasser, d’autre part. Force est de constater que l’Homme sait repousser sans cesse ses limites. corps continue son travail de façon automatique, l’esprit se détachant, comme en transe à condition que rien ne vienne le distraire de cet état. Lorsque Bergson expliquait que la qualité principale de l’homme, c’est la capacité de se dépasser lui-même, ce sont bien ces innombrables capacités de notre être à chacune et à chacun de nous qu’il visait. Elles n’ont pas de limites et le corps humain se transcende constamment grâce à elles, chaque fois que nous assumons notre responsabilité, c’est-àdire notre authentique liberté. LE DÉPASSEMENT DE SOI Au travers de la performance visée, le bonheur réside-t-il dans le fait de s’accomplir ou de se dépasser ? L’idée d’un dépassement de soi-même, aujourd’hui si courante, est liée historiquement à l’avènement de la modernité. Le sport de haut niveau apparaît aujourd’hui comme le laboratoire expérimental d’une réussite sociale spectaculaire et spectacularisée au travers d’un dépassement de soi comme emblème de notre idéologie contemporaine. EXPERT RAPHAËL ENTHOVEN, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE & AUTEUR CE QUI NOUS FAIT COURIR ET NOUS DÉPASSER Le goût de ne pas fuir, mais, au contraire, de coïncider avec soi, dans l’effort. Ou bien l’envie d’oublier ce qui, dans la vie, ne marche pas. L’envie de se dépasser vient souvent d’une représentation flatteuse de l’obstacle à vaincre. Mais la capacité de se dépasser repose davantage, me semble-til, sur l’art d’être en harmonie. Ce qui nous pousse est plus puissant que ce qui nous tire. « Toujours plus haut » est un avatar contemporain de la découverte que l’univers est infini et que la Terre, par conséquent, ne se trouve pas en son centre. Tant que le monde n’était qu’une cosmologie ordonnée, l’enjeu était d’y trouver sa place. Depuis que le monde est un chaos que son infinité prive de sens, Prométhée s’est substitué à Orphée, la performance a détrôné l’harmonie, le souci de se dépasser a remplacé le goût de s’accomplir. |