20 VIE DE LA BnF BRUNO RACINE CHRONIQUES DE LA BnF Nº76 2007-2016 Un président à l’œuvre Bruno Racine est président de la Bibliothèque nationale de France depuis 2007. Dans un entretien avec Laure Adler, journaliste et écrivain, il fait un bilan de son action et un tour d’horizon des enjeux d’aujourd’hui pour les bibliothèques et le livre. Laure Adler : Dans quel état d’esprit êtes-vous à la veille de votre départ ? Bruno Racine : Je ressens bien sûr une sorte d’arrachement, parce que le lien que j’ai tissé avec la BnF est très fort, mais en même temps une certaine sérénité parce que le temps ne m’a pas été mesuré et que j’espère avoir accompli l’essentiel de ce que je voulais faire. La Bibliothèque est à un tournant de son histoire : cette institution si ancienne a pris le virage de la révolution numérique de façon déterminée. J’ai accentué cette orientation, mais j’ai aussi mis —os beaucoup de passion dans l’enrichissement des collections. La dématérialisation permet à des millions de gens d’avoir accès à ce qui auparavant était réservé à une poignée de chercheurs, mais l’importance de l’original demeure, ainsi que sa valeur symbolique. Selon moi, la BnF devait être une sorte de pionnière de la bibliothèque du futur – et le chiffre de 3,5 millions de documents en libre accès dans Gallica est vertigineux –, mais elle se devait aussi d’acquérir les archives de Guy Debord ou de Michel Foucault, ou encore de très précieux manuscrits du Moyen Âge, ou ceux de Casanova.L. A. : Quand vous êtes arrivé il y a neuf ans, quelles étaient vos idées pour la BnF ? B. R. : Ma première conviction était que la BnF devait s’affirmer comme un leader dans le monde numérique. Je savais aussi que le site historique de la rue de Mir 0.. tic nem- 1. Conference of European National Libraries (CENL) 2. La bibliothèque numérique européenne Ci-dessous Bruno Racine et Laure Adler, 2016 F. lm Richelieu se trouvait dans un état très préoccupant et qu’il fallait lancer ce chantier majeur dans toute son ambition alors que son financement n’était pas assuré. J’ai toujours été sensible à la dimension internationale et pour affirmer davantage la place de la BnF, j’ai été élu à la présidence de l’association des bibliothèques nationales européennes 1, puis d’Europeana 2. J’étais également convaincu que le rayonnement scientifique de la BnF était essentiel. Le nombre et la qualité de ses conservateurs, dont certains sont autant de sommités mondiales dans leur domaine, sont une de ses grandes forces, et il était important qu’ils se sentent reconnus comme le fer de lance de la BnF.L. A. : Et aujourd’hui, qu’est-ce qui devrait être amélioré ? B. R. : Pour la numérisation, il faut naturellement poursuivre ce qui a été entrepris, car les collections sont gigantesques, mais je pense, qu’aujourd’hui, il faut investir davantage dans la mise en forme des contenus pour toucher un public plus large que le cercle des chercheurs. C’est ce que nous venons de tenter avec la Fondation BTP Plus. Nous avons mis au point un site, Passerelle(s), à partir des ressources numériques de la BnF, de façon à enrichir la formation culturelle des 65 000 apprentis du bâtiment, mais ce site peut intéresser l’audience la plus large. Les ressources de la BnF peuvent contribuer à l’éducation artistique et culturelle de tous, à toutes les périodes de la vie.L. A. : Ces neuf années de mandat ont vu se produire des révolutions dans le monde du savoir, grâce ou à cause d’internet. Est-ce que la BnF s’en est fait la caisse de résonance ? B. R. : J’ai souhaité que la BnF soit pleinement engagée dans cette révolution. |