Un grand commis de l'État devient industriel Lorsqu'il succède à Pierre Lefaucheux, le 27 mars 1955, Pierre Dreyfus ne fait pas pour autant son entrée chez Renault. Il en était déjà le vice-président depuis 1948. Son objectif sera de démontrer qu'une entreprise nationalisée est « aussi combative et peut avoir autant de succès qu'une entreprise privée ». Il fondera son action sur deux idées majeures : la planification, pour savoir où l'on va et comment, et l'exportation de la moitié de la production pour assurer la croissance. Mais il s'emploiera d'abord à rétablir la paix sociale. Pierre Dreyfus veut que la première entreprise de la Nation soit exemplaire. Dès septembre 1955, il signe le premier accord d'entreprise qui doit assurer le dialogue avec les syndicats et innove avec l'introduction de la troisième semaine de congés payés. Toujours en 1955, il relève les salaires de 4%, instaure le paiement des jours fériés et la retraite complémentaire. Vitrine affirmée du progrès social, Renault devient le symbole de la contestation en mai 1968. Pierre Lefaucheux avait conduit la négociation, Pierre Dreyfus la finalisera : la fusion des constructeurs Latil, Somua avec les camions Renault crée un nouvel ensemble, la Saviem, face à Berliet qui avait refusé tout accord avec la Régie Renault. Ce n'est que partie remise : en 1974, l'entrée de Berliet dans le giron de Renault donne naissance à un acteur majeur du poids lourd. La Dauphine assure la relève La 4 CV a 10 ans. Sa remplaçante, la Dauphine, présentée en 1956, sera d'emblée un succès en France et à l'exportation. Sur le grand marché américain, dont Pierre Dreyfus estime qu'il est essentiel à la croissance de l'entreprise, l'accueil qui lui est réservé dès 1957 dépasse toutes les espérances. Renault crée la CAT (Compagnie d'Affrètement et de Transport) pour les acheminer par bateau. En 1959, il se vendra aux États-Unis plus de Dauphine que de Coccinelle ! En 1956, L'étoile Filante établit le record de vitesse pour une voiture à turbine. Avec 308,9 km/h, le moteur turbomeca de 270 CV impose le savoirfaire et la technologie de Renault. L'échec du rêve américain Devant le succès des petites voitures étrangères sur leur territoire, les États-Unis importent celles qui sont fabriquées en Europe par leurs propres filiales. De plus, le début d'une récession économique pénalise l'industrie automobile. Monté hâtivement et sans partenaire solide, le réseau de distribution de Renault montre vite ses lacunes. La Dauphine aussi, qui n'est pas assez robuste. Les ventes s'effondrent. Les stocks sont bradés, les bateaux restent à quai en France : en 1960, la Régie Renault affronte la première crise grave de son histoire. Les conséquences Cette crise aura de lourdes conséquences financières (il faut éponger les dettes) et industrielles (la production est totalement déstabilisée). Elles seront surtout sociales : des séries d'importantes grèves éclatent dans les usines après le licenciement de 3 000 employés en France, mais aussi en Belgique. La récession complique la situation et la tension ne retombera qu'avec de nouvelles avancées sociales à la fin de 1962 : quatrième semaine de congés payés, congés pour ancienneté... Des concepts novateurs : Renault 4 et Renault 8 Le 7 juillet 1961, la dernière 4 CV sort des chaînes, et la Dauphine a déjà été fabriquée à 1,5 million d'exemplaires. Mais elle s'essouffle. La Renault 4 est présentée en septembre 1961. Cinq portes, traction avant et polyvalence créent la nouveauté. En 1961, la Renault 4 est la première petite traction avant qui se distingue par sa facilité de conduite et son immense 5ème porte. Elle inaugure ainsi le concept du hayon, aujourd'hui adopté par les constructeurs du monde entier. L'année suivante, c'est la Renault 8 qui est lancée avec, une première mondiale, 4 freins à disques. Une première, sur une voiture de série, qui marque déjà la volonté de Renault d'assurer la sécurité du conducteur et de ses passagers. Renault confirme sa spécialité de constructeur de petites voitures, un label qui perdurera. Succès sportifs avec Gordini : la voie vers la F1 Après la 4 CV, la Dauphine a, à son tour, accumulé les trophées en rallye, boostée par la motorisation d'Amédée Gordini, le génial « sorcier » mécanique avec lequel Renault s'est allié avant de racheter sa firme en 1969. La Renault 8 Gordini remporte sa première victoire en 1964 au Tour de 19/12/1979 Accords Renault-Volvo - Bernard Vernier-Palliez et Pehr Gyllenhammar - Genève (Suisse) À gauche : 01/06/1982 Renault 9 GT - Parvis du siège social - Boulogne Billancourt (France). Ci-dessous 29/09/1982 Bernard Hanon (à gauche), PDG de Renault de 1981 à 1985 25