( Dossier… CARTES EN BIBLIOTHÈQUE : NOUVEAUX USAGES, NOUVEAUX TERRITOIRES ) L’IGN dévoile le dessous des cartes (de France) L’Institut géographique national (IGN) est né le 1 er juillet 1940, succédant au Service géographique de l’Armée (SGA) pour éviter que celui-ci ne devienne une prise militaire de l’armée d’occupation. Le SGA était lui-même issu, en 1887, du Dépôt de la Guerre créé par le marquis de Louvois, secrétaire d’État de la Guerre sous Louis XIV, pour constituer la mémoire militaire du pays. L’IGN reprend les missions du SGA. Pour la France métropolitaine, il s’agit d’achever la nouvelle carte de France au 1:50 000 (1mm = 50 m) qui remplacera la carte de l’État-Major vieillissante. L’Institut est aussi chargé de cartographier les territoires fran- l’ çais d’outre-mer. Jusqu’à l’accession de ces Devenu Institut national de l’information géographique et forestière en 2012, l’IGN propose un angle de vue passionnant sur la façon «dont se font les cartes» hier et aujourd’hui. Zoom sur des services numériques particulièrement innovants. pays à l’indépendance, il constituera notamment la couverture photographique aérienne des pays africains de l’Union française, ainsi que leur cartographie au 1:200 000 et partiellement au 1:50 000. En 2012, l’Inventaire forestier national fusionne avec l’Institut pour donner naissance à l’Institut national de l’information géographique et forestière, qui conserve l’acronyme IGN. Placé sous la tutelle des ministres chargés de la transition écologique et de l’agriculture, il reste un acteur majeur auprès du ministre de la Défense. Opérateur de l’État en matière d’information géographique et forestière de référence, il décrit, d’un point de vue géométrique et physique, la surface du territoire national et l’occupation de son sol, et il élabore et met à jour l’inventaire permanent des ressources forestières nationales. MESURE ET GÉOMÉTRIE Pour restituer fidèlement les formes et proportions de la réalité, les cartes topographiques s’appuient sur un réseau de points dont la position est exprimée par des coordonnées. Ce socle géométrique est constitué à partir de mesures d’angles et de distances effectuées sur le terrain, et reliées 10 Ar (abes)ques N°98 JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2020 entre elles par des calculs trigonométriques : c’est la fameuse triangulation, établie pour la première fois sur l’étendue de la France au XVIII e siècle par les Cassini. Elle sera remplacée par celle, plus précise, réalisée par les arpenteurs du Dépôt de la Guerre au XIX e siècle pour servir d’appui à la carte de l’État-Major. Pour répondre aux exigences du cadastre, cette nouvelle carte utilise une projection cartographique conservant les surfaces, mais elle ne conserve pas les angles, et montre ses limites lorsqu’il s’agit d’orienter les canons pendant la guerre de 1870. La carte de base au 1:50 000 qui lui succède, grand projet constitutif du SGA, s’appuie donc sur la projection Lambert, qui conserve les angles. Elle bénéficie aussi d’une nouvelle triangulation de la France, la NTF. Finalisée en 1991 par l’IGN, celle-ci localise les points socles à quelques centimètres près. Depuis 2000, la NTF est toutefois supplantée par le réseau géodésique français initié en 1993 (le RGF 93) pour intégrer les améliorations du positionnement par satellites. Le XIX e siècle aura aussi vu l’ingénieur Bourdaloue constituer le premier nivellement général de la France (NGF), mesurant la hauteur de points à partir du niveau zéro matérialisé par le marégraphe de Marseille. Trois cents ans plus tard, le marégraphe est toujours la référence des points cotés précisant altitudes et relief sur les cartes IGN, et sa mesure du niveau moyen des mers sur une si longue durée est très utile pour l’étude du changement climatique. CARTE ET PHOTOGRAPHIE En 1920, l’officier d’artillerie Georges Poivilliers conçoit pour le SGA un appareil capable de réaliser à partir de couples stéréoscopiques de photographies aériennes le dessin initial géométriquement fiable d’une carte avec son relief. L’appareil portera son nom : le stéréotopographe Poivilliers. Dès sa création, l’IGN généralise l’usage de cette technique, la photogrammétrie. En 1953 s’achève ainsi la couverture photographique aérienne totale de la France afin d’en réaliser la carte au 1:25 000. Chaque point du territoire est alors photographié tous les 5 à 10 ans. Internationalement reconnue, l’expertise photogrammétrique de l’Institut l’amène alors à participer à de grands projets, comme le sauvetage en 1958 du temple d’Abou Simbel, menacé par la montée des eaux du Nil lors de la construction du barrage d’Assouan. À partir des levers 3D de l’IGN, le temple est démonté puis reconstruit inté- Capture d’écran de Remonterletemps.ign.fr : photographie actuelle et carte de l’État-Major (19 e s) sur la Mer de glace à Chamonix. |