( Dossier… Y A-T-IL UN BIBLIOTHÉCAIRE DANS LA SALLE ? VERS DE NOUVELLES LÉGITIMITÉS ) « Ça aussi, vous pouvez ? » Comment valoriser les nouvelles compétences des bibliothécaires ? dDans la culture populaire comme dans la société, on ne peut que constater que les stéréotypes et clichés auxquels est soumis le métier de bibliothécaire 1 perdurent. Pourtant, dans une profession dont les missions évoluent sans cesse, les bibliothécaires contribuent à la redéfinition de leur champ d’action, en se formant à de nouveaux outils et compétences. Mais si l’on veut qu’ils soient identifiés comme des interlocuteurs de référence, fiables et à la pointe des évolutions du monde académique, et, [1] GARAMBOIS Marie. plus largement, des questions de société, au sein Le métier de bibliothécaire de laquelle ils ont un rôle renouvelé à jouer, ces évolutions doivent être prolongées par des actions de promotion en direction des différents publics. à l’épreuve des stéréotypes : changer d’image, un enjeu pour l’advocacy. Villeurbanne, Enssib: 2016. www.enssib. fr/bibliotheque-numerique/ documents/67444-le-metierde-bibliothecaire-a-l-epreuvedes-stereotypes-changerd-image-un-enjeu-pour-ladvocacy.pdf [2] BERTRAND Anne-Marie. « Légitimité professionnelle et modèles d’excellence ». Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1995, n° 6, p. 52-55. http://bbf.enssib.fr/ consulter/bbf-1995-06-0052- 009. [3] Pour plus d’informations sur les travaux des commissions thématiques de l’ADBU et leur composition : https://adbu.fr/activites [4] DALBIN Sylvie, S’intégrer à l’environnement de travail des utilisateurs d’information. https://referentieleninfodoc. wordpress.com/2010/08/16/ pid-integre-embedded-librarian [5] SERY Macha. « Des livres par-dessus le marché ». Le Monde, 8/11/18. www.lemonde.fr/livres/ article/2018/11/08/ des-livres-par-dessus-lemarche_5380459_3260.html [6] Site Internet de l’Internal Revenue Service : www.irs.gov/ individuals/irs-tax-volunteers [7] Telles que défini par l’article 3 du Décret n°92-26 du 9 janvier 1992 portant statut particulier du corps des conservateurs des bibliothèques et du corps des conservateurs généraux des bibliothèques. www.legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte =LEGITEXT000006078555 6 Ar (abes)ques N°97 AVRIL - MAI - JUIN 2020 LA DIVERSIFICATION DES COMPÉTENCES DES BIBLIOTHÉCAIRES : S’EMPARER DE NOUVEAUX TERRAINS D’ACTION Afin que la polyvalence des bibliothécaires ne soit pas un dogme, mais bien le reflet de compétences réelles, il convient tout d’abord de s’interroger sur la notion de légitimité et sur la différence notable entre légitimité perçue et légitimité ressentie. Dès 1995, Anne-Marie Bertrand s’interroge sur cette thématique 2 : si la légitimité perçue est celle que confèrent au bibliothécaire ses interlocuteurs – les publics avec qui il est en interaction, les autres services de l’institution au sein de laquelle il exerce, voire ses pairs – la légitimité ressentie correspond au positionnement professionnel du bibliothécaire de son propre point de vue. Parfois, les frontières du périmètre d’action légitime des bibliothécaires suscitent des discussions au sein même de la profession. En février 2020, la journée de rencontre organisée par l’ADBU, réunissant les membres des commissions « Recherche et Documentation » et « Signalement et Systèmes d’Information » 3 interrogeait les compétences à développer et posait cette question : « jusqu’où le périmètre d’action des bibliothécaires doit-il s’étendre ? ». Ainsi par exemple des projets liés aux humanités numériques : comment le bibliothécaire est-il impliqué ? Doit-il traiter lui-même des jeux de données ? Doit-il pour ce faire apprendre à coder dans certains langages informatiques ? En d’autres termes, doit-il se positionner en « embedded librarian » 4 ? En lecture publique, on assiste à une évolution similaire. Tout d’abord, le rôle de conseil du bibliothécaire est plus que jamais important, notamment dans le contexte de surproduction éditoriale à laquelle on assiste depuis plusieurs années 5 . Mais pour l’exercer au mieux, c’est avant tout une relation de confiance que le bibliothécaire doit instaurer avec les lecteurs, qui nécessite l’acquisition de nouvelles compétences : connaissances techniques pour la gestion des FabLab, savoirs informatiques pour les ateliers dédiés… Aux États-Unis, les bibliothèques publiques suppléent parfois aux services sociaux, en proposant des services tels que l’aide à la préparation des déclarations d’impôts, en s’inscrivant dans des programmes comme le Volunteer Income Tax Assistance Program et le Tax Counseling for the Elderly. Les bibliothécaires qui le souhaitent doivent alors passer une certification dédiée 6 . Outre ses compétences techniques, le bibliothécaire met ainsi ses aptitudes relationnelles et sociales au service du public. Mais comment être reconnu pour celles-ci ? LE CAS DES SERVICES AUX CHERCHEURS : UNE NÉCESSAIRE RELATION DE CONFIANCE Le statut de « personnel scientifique des bibliothèques » des conservateurs 7 est le plus souvent méconnu de leurs interlocuteurs, notamment à l’Université. Comment construire sa légitimité, notamment dans les actions de formation en direction des chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants ? C’est avant tout par la maîtrise de leurs compétences scientifiques et techniques, et par leur manière de communiquer sur celles-ci, que les bibliothécaires peuvent asseoir leur légitimité au sein de leur institution. L’accompagnement des chercheurs et enseignants-chercheurs en particulier doit répondre à certaines exigences. Développer ses connaissances des enjeux actuels pour les structures de recherche, permet d’une part de concevoir et proposer une offre de services adéquate, mais aussi de renforcer la légitimité perçue du bibliothécaire comme interlocuteur pour ces questions. S’il est rare en France d’assister à une vraie spécialisation disciplinaire, comme celle des « subjects librarians » du monde anglo-saxon, il convient plutôt |