( Dossier… Y A-T-IL UN BIBLIOTHÉCAIRE DANS LA SALLE ? VERS DE NOUVELLES LÉGITIMITÉS ) Le métier de magasinier : disparition ou évolution ? Souvent considéré comme en voie de disparition, le métier de magasinier est au contraire promis à d’importantes évolutions. [1] Laetitia Bracco, Le métier de magasinier en bibliothèque universitaire : disparition ou évolution ?, sous la dir. d’Anne-Christine Collet, ENSSIB, 2019. Disponible sur : https://www.enssib.fr/ bibliotheque-numerique/ notices/68898-le-metier-demagasinier-en-bibliothequeuniversitaire-disparition-ouevolution [2] Op. cit., p. 22-23. [3] Op. cit., p. 14. [4] Op. cit., fig. 1, « Évolution du recrutement des magasiniers », p. 16. [5] Voir le décret n°88- 646 du 6 mai 1988 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des magasiniers des bibliothèques. [6] Op. cit., fig. 6, « Synthèse des activités », p.36. 16 Ar (abes)ques N°97 AVRIL - MAI - JUIN 2020 o« On n’aura bientôt plus besoin de magasiniers » ; « Le livre disparaît, à quoi peut encore servir un magasinier ?» ; « Les moniteurs étudiants sont une menace pour les C »… Qui, dans son établissement, n’a jamais entendu au moins une de ces assertions pour le moins péremptoires ? Au sein de la filière Bibliothèques de la fonction publique d’État, les magasiniers sont les plus nombreux, et représentent 37,4 % des effectifs. Autant dire que c’est un pan entier des personnels et de leurs missions qui serait menacé de disparition dans un futur plus ou moins proche. Dans le même temps, l’extension des horaires d’ouverture, le développement de la formation des usagers et la part toujours plus grande du numérique dans les établissements reposent en partie sur ces agents. Il y a là un hiatus qui méritait bien d’être traité en profondeur dans un mémoire d’études 1 . Ce mémoire s’est appuyé sur la littérature professionnelle, qui s’est révélée étonnamment peu prolixe au sujet des magasiniers, et sur quinze entretiens menés en présentiel avec des magasiniers dans des établissements de taille, de publics et de missions variés. L’objectif de cette double approche était de comparer ce qui est dit des magasiniers et ce que ces derniers disent de leur métier, dans une perspective managériale. UN STATUT CONTRAIGNANT ET INADÉQUAT… Pour comprendre les changements à l’œuvre au sein du métier de magasinier, il faut d’abord en interroger le cadre réglementaire. Un premier constat assez étonnant : les missions fixées par le statut n’ont guère évolué depuis la création du corps en 1967. Les référentiels métiers les complètent certes en partie, mais ne pallient pas l’inadéquation du cadre réglementaire par rapport à la réalité du terrain. Les missions de formation, de médiation, de gestion interne assurées par bon nombre de magasiniers en sont en effet tout bonnement absentes. À ce flou réglementaire s’ajoute un décalage stupéfiant entre les différentes voies d’accès au corps. Le concours est unanimement décrié par les professionnels 2 . Le décalage des épreuves par rapport à la réalité, la lourdeur d’organisation et le recrutement de candidats surdiplômés constituent ses défauts principaux. Le recrutement sans concours vise un but radicalement différent : faire entrer dans la fonction publique des agents ayant moins d’aptitudes à l’écrit, mais qui postulent généralement par souhait de rester dans leur ville, et qui ont, de par leur expérience préalable, une bonne connaissance des missions et spécificités des établissements. Bien que le concours donne accès directement au grade de magasinier en chef, contrairement au recrutement direct qui concerne les « simples » magasiniers, l’extrême similitude entre les deux grades en termes de missions ne justifie pas une telle différence 3 . Ces deux voies d’accès provoquent une très forte hétérogénéité des profils au sein du corps des magasiniers 4 . Pour brosser un tableau complet du cadre réglementaire qui entoure le métier, il faut encore ajouter qu’il n’existe aucune formation post-concours obligatoire, en dépit de la variété des missions que peuvent être amenés à réaliser les magasiniers. Enfin, la progression de carrière dans ce corps est lente et difficile, et les possibilités de promotion dans le corps supérieur sont quasi inexistantes. Sombre constat qui donne l’image d’un métier figé, en perte de vitesse, peu attractif. Or il n’a jamais été aussi dynamique. … POUR UN MÉTIER EN PLEINE ÉBULLITION Bien que le statut 5 ne prévoie que quatre missions principales (accueil, équipement, conservation, manutention), elles sont en réalité bien plus variées 6 . Si la plupart des fiches de poste consultées pour cette étude comprennent des activités cœur de métier (= les missions statutaires), il est évident qu’elles sont loin de couvrir l’ensemble des missions réellement exercées 7 . Or le fait que les magasiniers se voient confier ces missions hors statut pose un triple problème : • L’instauration d’un décalage grade-fonctions et donc d’une inégalité de rémunération ; • La suscitation d’un éventuel sentiment de concurrence entre agents de la même catégorie, mais aussi avec ceux de la catégorie supérieure ; • Une mise en difficulté des agents s’ils n’ont pas reçu la formation adéquate. Pour autant, ces nouvelles missions sont aussi l’occasion, pour ces agents, de rendre leur travail quotidien plus intéressant, d’acquérir des compétences et de renforcer leurs chances de promotion. C’est aussi une |