Arabesques n°97 avr/mai/jun 2020
Arabesques n°97 avr/mai/jun 2020
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°97 de avr/mai/jun 2020

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Agence Bibliographique de l'Enseignement Supérieur

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 24

  • Taille du fichier PDF : 1,5 Mo

  • Dans ce numéro : dossier, y a-t-il un bibliothécaire dans la salle ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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( Dossier… Y A-T-IL UN BIBLIOTHÉCAIRE DANS LA SALLE ? VERS DE NOUVELLES LÉGITIMITÉS ) Le métier de magasinier : disparition ou évolution ? Souvent considéré comme en voie de disparition, le métier de magasinier est au contraire promis à d’importantes évolutions. [1] Laetitia Bracco, Le métier de magasinier en bibliothèque universitaire : disparition ou évolution ?, sous la dir. d’Anne-Christine Collet, ENSSIB, 2019. Disponible sur : https://www.enssib.fr/ bibliotheque-numerique/ notices/68898-le-metier-demagasinier-en-bibliothequeuniversitaire-disparition-ouevolution [2] Op. cit., p. 22-23. [3] Op. cit., p. 14. [4] Op. cit., fig. 1, « Évolution du recrutement des magasiniers », p. 16. [5] Voir le décret n°88- 646 du 6 mai 1988 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des magasiniers des bibliothèques. [6] Op. cit., fig. 6, « Synthèse des activités », p.36. 16 Ar (abes)ques N°97 AVRIL - MAI - JUIN 2020 o« On n’aura bientôt plus besoin de magasiniers » ; « Le livre disparaît, à quoi peut encore servir un magasinier ?» ; « Les moniteurs étudiants sont une menace pour les C »… Qui, dans son établissement, n’a jamais entendu au moins une de ces assertions pour le moins péremptoires ? Au sein de la filière Bibliothèques de la fonction publique d’État, les magasiniers sont les plus nombreux, et représentent 37,4 % des effectifs. Autant dire que c’est un pan entier des personnels et de leurs missions qui serait menacé de disparition dans un futur plus ou moins proche. Dans le même temps, l’extension des horaires d’ouverture, le développement de la formation des usagers et la part toujours plus grande du numérique dans les établissements reposent en partie sur ces agents. Il y a là un hiatus qui méritait bien d’être traité en profondeur dans un mémoire d’études 1 . Ce mémoire s’est appuyé sur la littérature professionnelle, qui s’est révélée étonnamment peu prolixe au sujet des magasiniers, et sur quinze entretiens menés en présentiel avec des magasiniers dans des établissements de taille, de publics et de missions variés. L’objectif de cette double approche était de comparer ce qui est dit des magasiniers et ce que ces derniers disent de leur métier, dans une perspective managériale. UN STATUT CONTRAIGNANT ET INADÉQUAT… Pour comprendre les changements à l’œuvre au sein du métier de magasinier, il faut d’abord en interroger le cadre réglementaire. Un premier constat assez étonnant : les missions fixées par le statut n’ont guère évolué depuis la création du corps en 1967. Les référentiels métiers les complètent certes en partie, mais ne pallient pas l’inadéquation du cadre réglementaire par rapport à la réalité du terrain. Les missions de formation, de médiation, de gestion interne assurées par bon nombre de magasiniers en sont en effet tout bonnement absentes. À ce flou réglementaire s’ajoute un décalage stupéfiant entre les différentes voies d’accès au corps. Le concours est unanimement décrié par les professionnels 2 . Le décalage des épreuves par rapport à la réalité, la lourdeur d’organisation et le recrutement de candidats surdiplômés constituent ses défauts principaux. Le recrutement sans concours vise un but radicalement différent : faire entrer dans la fonction publique des agents ayant moins d’aptitudes à l’écrit, mais qui postulent généralement par souhait de rester dans leur ville, et qui ont, de par leur expérience préalable, une bonne connaissance des missions et spécificités des établissements. Bien que le concours donne accès directement au grade de magasinier en chef, contrairement au recrutement direct qui concerne les « simples » magasiniers, l’extrême similitude entre les deux grades en termes de missions ne justifie pas une telle différence 3 . Ces deux voies d’accès provoquent une très forte hétérogénéité des profils au sein du corps des magasiniers 4 . Pour brosser un tableau complet du cadre réglementaire qui entoure le métier, il faut encore ajouter qu’il n’existe aucune formation post-concours obligatoire, en dépit de la variété des missions que peuvent être amenés à réaliser les magasiniers. Enfin, la progression de carrière dans ce corps est lente et difficile, et les possibilités de promotion dans le corps supérieur sont quasi inexistantes. Sombre constat qui donne l’image d’un métier figé, en perte de vitesse, peu attractif. Or il n’a jamais été aussi dynamique. … POUR UN MÉTIER EN PLEINE ÉBULLITION Bien que le statut 5 ne prévoie que quatre missions principales (accueil, équipement, conservation, manutention), elles sont en réalité bien plus variées 6 . Si la plupart des fiches de poste consultées pour cette étude comprennent des activités cœur de métier (= les missions statutaires), il est évident qu’elles sont loin de couvrir l’ensemble des missions réellement exercées 7 . Or le fait que les magasiniers se voient confier ces missions hors statut pose un triple problème : • L’instauration d’un décalage grade-fonctions et donc d’une inégalité de rémunération ; • La suscitation d’un éventuel sentiment de concurrence entre agents de la même catégorie, mais aussi avec ceux de la catégorie supérieure ; • Une mise en difficulté des agents s’ils n’ont pas reçu la formation adéquate. Pour autant, ces nouvelles missions sont aussi l’occasion, pour ces agents, de rendre leur travail quotidien plus intéressant, d’acquérir des compétences et de renforcer leurs chances de promotion. C’est aussi une
marque de reconnaissance de la part de l’encadrement. Les retirer aux agents qui les exercent déjà au prétexte que leur statut ne le prévoit pas serait une source de tensions et de frustrations. Dans la majorité des cas, les agents concernés sont volontaires, et si les frictions existent, elles restent minoritaires 8 . Il résulte de cette étude que les missions actuelles des magasiniers ne vont pas disparaître, mais se reporter sur de nouveaux objets. En effet, les collections papier sont toujours très présentes en bibliothèque universitaire et la production éditoriale ne faiblit pas ; l’équipement des documents est encore très rarement externalisé ; la documentation numérique nécessite toujours des compétences de classement et de conservation, bien que sur un autre support. De nouvelles activités émergent et reposent en partie sur les magasiniers : amélioration de la qualité de l’accueil avec le label Marianne ; développement du renseignement mobile et en ligne ; soutien au signalement (dans le Sudoc, mais aussi dans les archives ouvertes, les plateformes de dépôts de mémoires…) et à la formation. LA PAROLE AUX AGENTS Que pensent les magasiniers de leur propre métier ? Par le biais de 15 entretiens, on ne peut certes pas préjuger de l’ensemble des opinions des quelque 2 300 magasiniers d’État. Ces entretiens permettent cependant de prendre le pouls d’une profession souvent laissée de côté. Contrairement à ce que les stéréotypes laissaient imaginer 9 , les magasiniers sont loin d’être unanimes lorsqu’il s’agit d’exprimer leur avis sur leur métier actuel et à venir. Tous s’accordent globalement à dire que le statut doit être revu pour mieux refléter leurs missions et revaloriser leur métier. La perception des activités à venir est cependant très inégale : craintes de voir disparaître le cœur de métier tout comme enthousiasme pour de nouvelles compétences à acquérir se côtoient 10 . COMMENT RÉPONDRE AUX DÉFIS POSÉS PAR L’ÉVOLUTION DU MÉTIER ? Face à ces bouleversements, le manager peut se retrouver désemparé. Comment, en effet, concilier les aspirations parfois contradictoires d’un groupe d’agents hétérogènes, tout en prenant en compte les compétences, les besoins, l’équité et les statuts ? Quelques pistes se dégagent. Les premières concernent nécessairement le cadre administratif, qui dépasse l’échelle de l’établissement. Il conviendrait de revoir le décret pour y faire figurer les missions de médiation, de formation, de signalement, et pour les valoriser. Les référentiels métiers, plus aisés à faire évoluer, pourraient également renforcer ces aspects. La suppression du grade de magasinier, pour ne conserver que le supérieur, ainsi que la création d’un deuxième mouvement annuel pour faciliter la mobilité des agents, pourraient contribuer à rendre le métier plus attractif. Le processus de recrutement actuel provoquant une forte hétérogénéité du corps, souvent préjudiciable aux surdiplômés qui, une fois lauréats, peuvent avoir du mal à trouver leur place, pourrait être revu. Si le concours doit être maintenu pour garantir l’égalité des chances d’accès à la fonction publique (au moins en apparence), le recrutement sans concours pourrait être rendu plus attractif en profilant les postes. Enfin, une formation post-concours est à envisager pour mieux préparer les nouveaux agents à leur prise de poste. Il reste que la marge de progrès la plus importante réside dans la façon de penser l’organisation des services documentaires, et ce dans trois grandes directions. Premièrement, il conviendrait d’identifier, mais aussi et surtout de valoriser les tâches-clefs de demain. Parmi elles, la participation au signalement et aux activités de médiation permettrait d’enrichir les profils des magasiniers. Dans un deuxième temps, cependant, il est essentiel de maintenir et de promouvoir les missions « historiques », à savoir la gestion des collections à l’heure de grands dispositifs nationaux comme CollEx-Persée, ainsi que l’accueil, dont le périmètre pourrait être étendu. Enfin, le management des magasiniers pourrait être repensé, en distinguant nettement leurs missions de celles des moniteurs étudiants et en prenant en compte les profils et les compétences, souvent très riches, des magasiniers pour adapter leurs missions. L’enjeu essentiel étant de revaloriser un métier méconnu, pourtant en pleine ébullition, et sur lequel repose en grande partie la qualité de l’accueil en bibliothèque. Laetitia Bracco data librarian - Université de Lorraine laetitia.bracco@univ-lorraine.fr [7] Les activités sont détaillées dans Op. cit., p. 37-41. [8] Op. cit., p. 74. [9] Op. cit., p. 33. [10] Op. cit., fig. 21, « Le métier de demain », p. 70. N°97 AVRIL - MAI - JUIN 2020 Ar(abes)ques 17



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